[Voici la notice sur Paul Poujaud dans le Carriat. Elle apparaît p. 421 du Dictionnaire bio-bibliographique des auteurs du pays creusois et des écrits le concernant des origines à nos jours (6e fascicule) par Amédée Carriat, publié par les soins de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse à Guéret, par l'Imprimerie Lecante et les Presses du Massif Central, en 1970.
Le portrait, provient du programme pour 2014 des Journées Charles Bordes ; il est dans l'article de Damien Top, Charles Bordes et l'opéra basque (postérieur à 1920 probablement, origine inconnue). La notice du Carriat, ici facilement accessible, est la base d'une recherche sur Paul Poujaud.]
Guéret, 27 juillet 1856 – Valette c. St Fiel, 4 octobre 1936.
Fils d'Émile P., avocat (qui, conseiller de préfecture à Guéret, puis sous-préfet de Boussac, s'employa à sauvegarder les fameuses tapisseries de la Dame à la Licorne) et, par sa mère, petit-fils du Dr Cressant, il fait ses études au collège Ste Barbe, aux côtés d'André Hallays, qui restera son ami, et où il connaît P. Bourget, de quatre ans son aîné, puis au lycée Louis-le-Grand et à la Faculté de droit, où il obtient la licence (1878), puis le doctorat avec une thèse sur le Droit de grâce dans la législation criminelle de Rome (1885). Avocat à la cour de Paris, il va s'acquérir bientôt un grand renom, mais ce n'est pas pour les causes qu'il a plaidées : féru d'art et de littérature, surtout de musique et de peinture, il se lie avec nombre d'artistes de son temps, est présent à toutes les manifestations importantes, expositions ou concerts. La sûreté de son goût et l'étendue de sa culture vont faire de lui un conseiller écouté et son influence, discrètement exercée (il eut excellé dans la critique, mais s'est toujours refusé à écrire) a été considérable entre 1890 et 1914. Passionné de musique (il est lui-même très bon violoncelliste), il a été un des premiers Français à applaudir le génie de Wagner, chez Pasdeloup d'abord, à Bayreuth ensuite ; il est aussi parmi les premiers admirateurs de César Franck, de Paul Dukas, de Pelléas et Mélisande. C'est lui qui fournit à Franck le Chant de la Creuse qui figure dans le recueil L'organiste (1889-90), avant d'être repris dans la Suite en ré (posthume, orchestration de Henry Busser) : dans une lettre à A. Gastoué, il raconte comment il parvint à se procurer ce thème : "En 1887… au mois d'octobre… j'entendis, sur une petite route qui monte entre Glénic et Pierre-Blanche, un chant de labour, que tous les laboureurs chantaient dans mon enfance, et que je croyais perdu…" ; et il en nota la mélodie. Lié d'une très étroite amitié avec Dukas, il restera "son frère spirituel le plus proche" (G. Samazeuilh) ; il n'en goûte pas moins le œuvres de ses autres amis Lalo, Bordes, Fauré, V. d'Indy, Chausson, Magnard, qui ont soin de les soumettre à son jugement dès qu'elles sont achevées, voire en cours de composition. Dans le même temps, il fréquente divers peintres, dont surtout Degas, Carrière, Besnard, H. Rouart et le frère de celui-ci, Alexis, collectionneur qui a épousé une Creusoise. C'est à Degas surtout qu'il a voué admiration et amitié, souvent reçu chez lui à dîner et le recevant ; et Degas tient en la plus haute estime celui qu'il appelle son "excellent prud'homme" ou encore son "ministre des Beaux Arts" à qui il se confie et demande conseil tant sur ses affaires privées qu'en matière de peinture. Les Lettres de Degas qu'a publiées M. Guérin témoignent de cette intimité confiante de leurs rapports et de l'admiration de P., qui ira vers une croissante ferveur : "Il me tient depuis cinquante ans, écrit P. à Guérin en 1931… Mon culte pour son art et son esprit grandit tous les jours. Je vis de lui et avec lui…". On ne peut que déplorer que ce grand ami des arts et des lettres (parmi ses amis écrivains, le plus illustre assurément a été P. Valéry, qui lui a dédié le poème Aurore, placé en tête d'abord des Odes, (1920), puis de Charmes, 1922) ait dédaigné de relater ses souvenirs : on aurait là un témoignage du plus grand intérêt sur l'une des périodes les plus fécondes de la musique et de la peinture françaises.
** "Tous les artistes, musiciens ou peintres, attachaient un vrai prix au jugement de cet homme qui n'a jamais produit, qui s'est toujours obstinément refusé à faire de la critique où il eût excellé, ne voulant être que l'Amateur, au sens le plus parfait, le plus désintéressé... Une des plus brillantes intelligences que notre temps ait connues." (Maurice Demaison)
"C'était le type du "dilettante". Causeur exquis, il racontait à merveille les souvenirs de toute une vie consacrée à l'art." (Marcel Guérin)
"Nul n'a su mieux… parler de ceux qu'il a aimés de tout son cœur vibrant, servis de toute sa compréhension clairvoyante, défendus de toute son ardeur combative, impitoyable au faux art, aux industriels de la pensée, aux arrivistes et aux profiteurs." (Gustave Samazeuilh)
ŒUVRES
- Faculté de droit de Paris. Thèse pour la licence. P., Derenne, 1878, in-8, 82 p. (Des divers ordres de succession).
- Faculté de droit de Paris. Des diverses formes du droit de grâce dans la législation criminelle de Rome. De l'amnistie en droit français. P., Larose et Forcel, 1885, in-8, 188 p.
- Correspondance : V. Lettres de Degas, infra, 249-56.
REF.
- Qui êtes-vous ? I909, 396 ;
- Lettres de Degas rec. et annot. p. Marcel Guérin ; préface de D. Halévy. P., Grasset, 1931, in-16, 253 p. ; nouvelle édition, Id., 1945, in-16, 289 p., pass. ;
- G. Samazeuilh, in Le Temps, 23 octobre 1936 ; Musiciens de mon temps; P., Ren. du Livre, 1947, P., 169 et pass. ;
- M. Demaison, in Journal des Débats, 26 octobre 1936 ;
- R.Brussel, P.P. amateur d'art, in La Page musicale, 6 novembre 1936 ;
- L. Lacrocq, in M.S.S.C., XXVI, 678-9 ;
- R. Martin et P. Bertrand, Id., XXVII, 143-7 ;
- A. Gastoué in Revue de Musicologie, mai-août 1937 ;
- Échos de l'École César Franck, décembre 1937-janvier 1938, 20-1 ;
- H.-J. Lionnet, in Creusois de Paris, mars et avril 1956.