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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 11:33

 

Il y a quatre mélodies de Charles Bordes sur des poèmes de Jean Lahor :

Chanson triste, Sérénade mélancolique, Fantaisie Persane et Pensées orientales.

Les trois mélodies (opus 8) sont écrites en 1889 sur des textes provenant du recueil  Melancholia (Alphonse Lemerre, 1868) et repris dans L'illusion : Chants de l'amour et de la mort, Chants panthéistes, (1888). Charles Bordes les présente dans cet ordre : Chanson triste, Sérénade mélancolique et Fantaisie persane (publiées chez Le Bailly, O. Bornemann, sans date). Ce troisième poème porte, dans L'illusion, le titre Fantaisie orientale. La troisième strophe retenue est celle qui figure dans L'illusion. Le cycle est créé à Paris le 1er mars 1890 à la Salle Pleyel par Aline Jacob et dédié à Fanny Lépine. La mélodie Pensées orientales a probablement été écrite en 1889. Elle est dédiée à Isaac Albeniz. Le poème est aussi dans le recueil Melancholia.

Jean-lahor--L-illusion.jpg

Charles Bordes est mort le 8 novembre 1909, Jean Lahor le 1er juillet de la même année.

On notera qu'il était proche de Mallarmé, comme Camille Mauclair. En 1889, à Aix-les-Bains, le Docteur Cazalis (le vrai nom de Jean Lahor) s'occupa de Verlaine,  recommandé par Mallarmé.

Le rapprochement entre le poète et le musicien surprend au premier abord. Disons pour simplifier qu'il y a loin entre le chrétien convaincu et l'adepte souvent sceptique du mysticisme oriental.

Ce qui les relie d'abord, c'est cette conviction qu'il faut agir, créer pour ses semblables. Le créateur de la Schola Cantorum approuvait Lahor lorsqu'il écrivait :

                          tout flambeau

Jette en brûlant de la lumière 

secrètement il ressentait la vérité de ce conseil :

Souviens-toi que la vie est brève.
De vertu, d'art enivre-toi .

François-Paul Alibert, témoin des derniers mois de Charles Bordes écrit : "il dépensa une généreuse magnificence à gaspiller sa vie." On croit voir un personnage du poète.

Certes, Lahor ne croit pas à la vie éternelle ; dans le même poème, extrait de L'illusion, il ajoute :

                  songe au tombeau

Où tu redeviendras poussière

Lahor, les yeux ouverts, refuse de céder au vertige :

Avant de replonger au gouffre,
Fais donc flamboyer ton néant
,

il agit. (Encore une fois, Bordes n'aurait pas fait sienne la notion de néant.)

 

Le Dr Henri Cazalis s'intéresse à l'hygiène publique, aux examens pré-nuptiaux, au thermalisme, etc. Il publie des études pour l'Académie de Médecine. Mais aussi il s'interroge sur la fonction de l'art (on trouvera dans Gallica son essai de 1902 L'art pour le peuple, à défaut de l'art par le peuple sur ce sujet). Il s'intéresse à l'art nouveau et c'est un "vert" avant tout le monde lorsqu'il prononce une conférence sur "L'arbre" (1903) et participe à la création de la "Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France" en Haute-Savoie ; fondée en 1901 à l'initiative du poète, cette association existe toujours.

 

Charles Bordes pouvait suivre une mode, sans doute : d'autres que lui (Saint-Saëns, Duparc, Chausson etc…) ont aussi utilisé des poèmes de Lahor. Mais Charles Bordes est aussi lecteur, et le contraste entre les deux créateurs était tellement grand que, paradoxalement il ne pouvait qu'y avoir entente.

Au-delà du mirage de l'Orient, phénomène de mode partagé par de nombreux Parnassiens et d'une façon générale par le milieu culturel de la fin du 19e siècle, il y a chez Charles Bordes comme chez Jean Lahor une attitude volontariste commune.

Dans les mélodies, il y a la souffrance et l'amour, parfois rédempteur :

Dans tes yeux alors je boirai

Tant de baisers et de tendresses,

Que peut-être je guérirai.

parfois mortifère :

Je souffre, j'étouffe, je pleure :

O mon amour, fais de tes bras,

Pour que je m'y perde et j'y meure,

Un tombeau que tu m'ouvriras ! 

et toujours cet ailleurs merveilleux, par exemple la bayadère de Fantaisie persane qui

Tourne sans fin, tourne dans l'air.

Mais attention : ce mouvement infini est celui du créateur :

Danse ainsi, danse, ô ma pensée,

Tourne, tourne d'un pas égal.

Le poète et le musicien se rejoignent ici aussi, dans leur besoin de créer, de la poésie, de la musique.

Ne cherchez pas chez votre libraire. Vous ne trouverez rien de Jean Lahor. D'ailleurs, qui lit la poésie ? Qui lit la poésie des autres siècles ? On peut me faire mentir et aller sur Gallica (eh oui, Lahor est dans le domaine public). Vous y trouverez ses principaux recueils, parcourez-les, comparez avec ses contemporains (par exemple Leconte de Lisle). Vous vous dites : "Voilà bien du monde à sortir de l'oubli." Et que faisons-nous en parlant de Charles Bordes ?

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