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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 23:01

 

Journees-du-Patrimoine-2013.jpg

Il pleuvait beaucoup ce samedi. Le conférencier et ses courageux auditeurs ont quand même tenu une heure. Devant le monument à Charles Bordes, pas possible de s'abriter dans l'église : il y avait un mariage, puis aussitôt un autre.

Lisez ces quelques lignes sur l'événement dans la Nouvelle République d'aujourd'hui. Vous bénéficiez d'une photo en couleurs (pas dans la NR sur papier, où tout est gris comme la pluie). Celui qui écrit ces lignes tient un magnifique parapluie vert, un peu trop penché dans le feu de l'action.

Hommage a été rendu à Médéric Bruno, l'auteur du monument. Et surtout à Charles Bordes, en évitant la "légende dorée". En 1923, quand le monument a été inauguré, il y avait le Maire, Charles Vavasseur et aussi Pierre de Bréville, deux ans de plus que Charles Bordes, qui a fait un long discours mêlant habilement louange, anecdotes et critique voilée.

Après avoir contemplé le Clos du Bourg d'où semble sortir le clocher de l'église, le groupe s'est arrêté au "cimetière dans les vignes" devant la tombe de la famille Bonjean/Bordes, avec sa colonne brisée. Une palme métallique pour le compositeur (mais, après vérification, il n'a pas eu "les Palmes"). Les morts ont été évoqués et aussi la servante dont la pierre a disparu (mais le gravier encore tout blanc et une photo portaient témoignage), et pourtant elle les avait servis pendant cinquante années, et la pierre parlait de son dévouement.

Il fallait évoquer les autres, "tristement nombreux", les notables du "Père Lachaise vouvrillon", le Baron Brenier, le Curé Mauduit qui avait baptisé Charles Bordes, Charles Vavasseur, Emile Delahaye (vous savez, les voitures), les Saint Exupéry côté paternel, et, autre colonne brisée,  les jeunes morts de l'ambulance de Vouvray en 1870, sans oublier Robert Spiess, soldat hanovrien, mort au même endroit.

Après la descente, dernier regard sous la pluie au monument d'hommage.

C'était la commémoration vouvrillonne des 150 ans de Charles Bordes.

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 16:33

Une note sur des événements tourangeaux pour les 150 ans de Charles Bordes.

 

D'abord ceux que l'Association Charles Bordes organisait directement. Cette association figure dans la page d'accueil à droite depuis le début de ce blog (la réciproque n'est pas vraie).

La maison de disques Timpani Records vient de sortir le deuxième volume des mélodies de Charles Bordes. Nous en reparlerons. La couverture en est ornée par le tableau bien connu de Sorolla, Promenade au bord de la mer.

Une présentation du CD était faite au Musée des Beaux-Arts de Tours jeudi 5 septembre. Le Président de l'Association Charles Bordes y parla de la carrière du compositeur, un discours bien rodé, conventionnel et lisse. Des mélodies étaient diffusées, avec une excellente sonorisation (Matthieu Delpy, L'audiophile, Tours) qui emplissait la salle de Diane. Au début, Sophie Join-Lambert, Directrice du musée, rappela que Charles Bordes y dirigea un concert dans la salle des Etats Généraux (décembre 1894).

Le vendredi, dans la Salle des mariages de l'Hôtel de Ville de Tours (son acoustique est, on le sait, difficile), on entendait au piano l'admirable François-René Duchâble jouer le Caprice à cinq temps et les quatre Fantaisies rythmiques de Charles Bordes et trois Préludes de César Franck.  Il accompagnait aussi des mélodies de Charles Bordes qui se trouvent dans le CD mentionné plus haut, ainsi que des mélodies de César Franck. Elles étaient chantées par le ténor Eric Huchet. Un bis nous proposa d'ironiques chansons d'Eric Satie, suivi d'un ter avec une mélodie plus sombre de Duparc. La Nouvelle République a publié un compte-rendu du concert. Il était bien équilibré. On y entendait les mélodies suivantes de Charles Bordes :

- Amour évanoui, poème de Maurice Bouchor,

- Avril, poème d'Aimé Mauduit,

- Petites fées, honnêtes gnomes, poème de Jean Moréas,

- Ô triste, triste était mon âme, poème de Paul Verlaine,

- Profonds cheveux, poème de Léon Valade,

- Recueillement, poème de Charles Baudelaire,

- L'heure du berger, poème de Paul Verlaine,

- Pleine mer, poème de Victor Hugo.

La présence du poème de Jean Moréas, souvent désigné par son premier vers Sous vos longues chevelures, petites fées, marquait l'ancrage de Charles Bordes dans le symbolisme, ainsi que la fonction spirituelle de la mélodie, dont nous avons parlé ici.

Le programme du concert comportait (pp. 18-19) un utile tableau des mélodies de Charles Bordes. On peut aussi se reporter aux notices de la partothèque du CIMF.

 

Parallèlement à cela, le CESR organisait un colloque sur Charles Bordes le vendredi et le samedi. Le colloque était très confidentiel, aucune publicité n'était faite, le site Internet du CESR n'en disait rien. Le public était admis, mais il fut fort réduit.

Il réunissait des spécialistes de l'époque et de Charles Bordes. Trop brièvement, voici les sujets de leurs exposés.

Vendredi matin sur le thème "les étapes d'une carrière" :

- Charles Bordes à Saint Gervais. (Fanny Gribenski),

- Une autre image de Charles Bordes. Son "irresponsabilité". (Catrina Flint de Médicis),

- Charles Vervoitte, un Maître de chapelle, de Rouen à Paris. (Vincent Rollin).

Vendredi après-midi, sur le thème "Charles Bordes en perspective" :

- Charles Bordes, Léon Vallas et la Schola de Lyon. (Barbara Kelly),

- Charles Bordes et la diffusion de l'esprit "scholastique" en France : exemples de Nancy, Lyon et Montpellier. (Katharine Ellis),

- Le chant basque, le collectage par Charles Bordes, sa conférence de 1898, les danses. (Natalie Morel Borotra).

Samedi matin avaient lieu des communications plus techniques :

- L'analyse harmonique des mélodies de Charles Bordes : une modalité à la française. (Sylvie Douche),

- L'influence de Pierre de Bréville dans l'édition des mélodies de Charles Bordes. Une réécriture ? (Jean-François Rouchon).

On notait d'utiles interventions notamment de Denis Herlin ainsi que d'autres personnes présentes. Le colloque était mené avec sûreté par Philippe Vendrix, Directeur du CESR ; il a en particulier fourni des conclusions soulignant les difficultés que pose l'étude de Charles Bordes.

L'Association Charles Bordes et le CESR veulent sortir un livre. Il est encore dans les limbes car il faudra du temps. Les communications seront peut-être publiées séparément. Réunies, elles ne constituent pas le livre qui reste à faire. Au début du colloque ont circulé deux magnifiques ouvrages publiés par Brepols pour le CESR. Quel rêve serait un livre identique sur Charles Bordes avec une iconographie appropriée !

 

Une étude correcte de Charles Bordes pose de nombreux problèmes. Sans vouloir être exhaustif en voici quelques-uns notés en vrac par l'auteur de ce billet :

- La correspondance de Charles Bordes est insuffisamment connue. Les lettres présentées dans la thèse de Bernard Molla sont à revoir. Beaucoup de lettres sont dispersées ou disparues. Par exemple, où est maintenant la correspondance de Charles Bordes avec Paul Poujaud, où apparaît notamment la relation particulière entre les deux hommes ?

– Bernard Molla signale que Charles Bordes faisait des photos. Où sont elles ?

– Palestrina n'a jamais disparu de la musique au 19e siècle.

– Une distance critique doit être prise par rapport à René de Castéra (Dix ans d'action musicale) et la Tribune de Saint Gervais en général. La prudence s'impose devant des textes souvent hagiographiques.

– La personnalité de Charles Bordes doit être mieux interprétée, et sa place doit être donnée au handicap que représente l'hémiplégie à la fin de sa vie.

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5 septembre 2013 4 05 /09 /septembre /2013 16:41

 

Oui, c'est 1884. Nous sommes bien au 19e siècle… Ce n'est pas tout à fait au hasard du calendrier que nous prenons cette année.

C'est l'année où Charles Bordes a atteint sa majorité, 21 ans le 12 mai. Sa mère est morte le 26 août 1883. Il s'est peu exprimé sur ce deuil. Nous avons ses lettres à Jules Chappée où la douleur est pudiquement tue (Sois sage…) et où il donne le change en parlant à son camarade des promenades en forêt de Fontainebleau. Nous parlerons plus loin du sonnet de Baudelaire qui décrit cette attitude.

Il a pris un travail alimentaire à la Caisse des Dépôts et s'est installé rue de La Rochefoucauld, dans cette Nouvelle Athènes qui avait connu la gloire sous le romantisme. Un peu plus bas dans la rue vit Gustave Moreau ; il peint ces libellules vers 1884.

Gustave-Moreau--Libellule--vers-1884--Musee-GM.jpg

Régulièrement, tout au bas de la rue de La Rochefoucauld, Charles Bordes va écouter Guilmant sur l'orgue Cavaillé-Coll de la Trinité. Il étudie au Conservatoire, alors situé un peu plus loin au sud-est, dans le Faubourg Montmartre.

Conservatoire--le-theatre.jpg

Elève de Marmontel et de César Franck, il commence à écrire de la musique.

 

A la rentrée de 1883 il montre à son condisciple Pierre de Bréville sa mélodie Avril sur le poème Vieil Air d'Aimé Mauduit.

Peut-être est-ce sa première mélodie. "Quelques jours plus tard" dit Bréville, (discours de Vouvray, 17 juin 1923), "il m'en montrait une autre."

Dans la partothèque du Centre International de la Mélodie Française (le CIMF), nous trouvons cinq mélodies écrites en 1883. Charles Bordes

choisit le grand poète, Hugo, avec la mélodie Pleine mer. Il n'utilise que les six premiers vers du poème. Déjà apparaît la fascination pour la mer, infini à conquérir (vers 5 et 6) :

L'œil ne voit que des flots dans l'abîme entassés

Rouler sous les vagues profondes.

On la retrouvera dans l'opéra inachevé Les trois vagues, mais aussi dans le Madrigal à la musique sur le poème de Shakespeare traduit par Maurice Bouchor  qui célèbre la victoire de l'art sur les vagues.

Il écrit la mélodie Soirée d'hiver sur un poème de François Coppée. C'est peut-être un salut respectueux à l'incontournable écrivain, élu à l'Académie Française en 1884. Mais il y a dans "la mort d'un oiseau" (vers 2) une mélancolie amère qui dominera toute l'année 1884 et au-delà.

Cette tristesse se retrouve dans Amour évanoui sur le poème de Bouchor (vers 15 et 16):

Le temps des lilas et le temps des roses

Avec notre amour est mort à jamais.

Les poèmes de Verlaine mis en mélodie en 1884 illustrent aussi cette tristesse, des Soleils couchants (vers 12 et 13, avec ce cauchemar) :

Fantômes vermeils,

Défilent sans trêves

à la Promenade matinale où le "bonheur adorable" (vers 12) est peut-être trouvé, mais dans la douleur, puisque c'est (vers 17 et 18) "l'âme / Que son âme depuis toujours pleure et réclame."

La même année, c'est un échec total que Charles Bordes dit avec Verlaine dans le Colloque sentimental (vers 14) :

L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Ecoutez la mélodie chantée en 1931 par Germaine Corney, sur Deezer, n° 14, en cliquant ici (accompagnement orchestral).

 

On ne saurait séparer ce pessimisme radical de celui que le sonnet de Baudelaire, Recueillement, mis en musique pendant l'été de 1884, exprime. Nous en avons parlé ici l'année dernière.

Charles Bordes avait des raisons personnelles de choisir ce texte. Son tempérament, son sentiment de doute le portait vers cette mélancolie qui ne le quitte pas. Plus tard, en mars 1897, dans une lettre à Guy Ropartz, il écrit : "Vraiment le Bon Dieu n'est pas toujours très juste. On ne peut être parfaitement heureux, il faut toujours payer son tribut. Pour ma part j'en sais quelque chose car j'ai des moments de tristesse profonde." Et il conclut : "Pauvre névrosé que je suis !"

Charles Bordes connaît bien un autre "névrosé" qui a lutté – en vain – pour écrire lui aussi une mélodie sur Recueillement. Nous avons parlé ici de l'effacement de Charles Bordes devant Duparc. Sa mélodie entre dans le non-être, dans le secret total. Le numéro d'opus que Charles Bordes lui attribue (le 6) sera barré, oublié (?) et attribué à une autre œuvre (c'est la Suite basque, publiée par Bornemann en 1887).

La mélodie Recueillement est dédiée à Paul Poujaud. Nous ne savons pas quand il le rencontre. Peut-être voit-il ce mélomane à la SNM. Paul Poujaud est né en 1856 ; il a donc sept ans de plus que Charles Bordes. Tous deux sont visiblement d'accord pour que cette mélodie reste secrète. Charles Bordes lui dédie par la suite les quatre mélodies de Paysages tristes.

On a vu, avec la mélodie sur les Soleils couchants de 1884, qu'il n'y a pas de description de la nature, mais la présentation d'un état d'âme. Le poème de Verlaine, avec ses répétitions, comme dans un pantoum, exprime bien le côté obsessif, l'angoisse même.

Ces Paysages tristes, dont il fait partie, seront créés par la SNM en février 1887. Le poète y écrit et répète (Promenade sentimentale, vers 5) :

j'errais tout seul, promenant ma plaie

Pour Verlaine, mais aussi pour Charles Bordes, "…c'est la nuit…" (L'heure du berger, vers 12). Quel écho du Recueillement baudelairien !

 

Charles Bordes a tout à fait sa place dans ce courant symboliste. En 1884, Huysmans publie A rebours où il parle longuement de Gustave Moreau, mais aussi d'Odilon Redon. Nous avons commencé ce billet avec une aquarelle de Gustave Moreau. Odilon Redon, nous l'avons déjà évoqué dans ce blog. Terminons ce billet sur Charles Bordes, musicien symboliste partageant le climat esthétique de l'époque, par cette illustration de la nouvelle (traduite par Baudelaire) de Poe La barrique d'amontillado, quelquefois nommée La folie, dessinée au fusain par Redon en 1883.Odilon-Redon--La-barrique-d-amontillado--1883.jpg

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19 août 2013 1 19 /08 /août /2013 11:01

 

A strange word to begin this post. Perhaps not so strange in English as it is in French (although in English it was "only" introduced in 1954, so says Webster). It means 150 years and it refers here to Charles Bordes who was born in 1863. As he is not very well-known in France (to say the least), no fireworks mark the event.

The official page on the Internet has a few lines about him by Gilles Cantagrel. It is in French. If you can read the language, click here. The article rightly stresses Charles Bordes's interests, in particular for the Basque folklore or for baroque music. It also mentions, though necessarily briefly, his compositions of several mélodies, especially on Verlaine's poems. However, it mentions the opera Les trois vagues (The three waves) without saying that Charles Bordes left it unfortunately unfinished. This failure is a tragedy and remains as a sore regret for the composer's admirers.

The Grove dictionary has an entry about him, written by Elaine Brody and Pierre Guillot (2001 edition). It begins with a mistake of little importance: Charles Bordes was actually born in Vouvray, not elsewhere. But the Bellangerie estate, where he was born, also extended over the neighbouring village, Rochecorbon.

La-Bellangerie-carte-EM.jpg

The château appears here on the coloured version of the Ordnance Survey map (made around 1870); nothing remains of the original building. There are a few melancholy vestiges, like this gate, drawn a few years ago by Georges Pons:

La-Bellangerie--dessin-de-Georges-Pons--3547-JPG

The owner of the manor, Charles Bordes's father Frédéric, was Mayor of Vouvray. He saw the invasion of grape phylloxera but died (in 1875) before it reached the Vouvray vineyards (see here).

The estate was sold in 1879. Needless to say, Mrs Bordes did not get much money from it. In 1883, when she died, Charles Bordes had to find an employment. He took a frustrating job at the Caisse des Dépôts et Consignations, classifying meaningless papers, having little time for "divine music" (in his words) which he studied at the Paris Conservatoire de musique, under Marmontel and César Franck. Finally, in July 1887, he was appointed chapel master in Nogent-sur-Marne just outside Paris.

A word about the Vouvray vineyards. Phylloxera was successfully fought and vanquished. Wine lovers will find many (many) pages devoted to it on the Internet. Click here, you will have an example.

On this topic, we must quote Lawrence Ferlinghetti who said in 2001 how much it represented for him.

 

Drinking French Wine in Middle America

 

Bought a bottle of Vouvray
and poured out its bouquet
of the French countryside
on the plains of Middle America
and that fragrance
floods over me
wafts me back
to that rainy hillside
by the banks of the Loire
Vouvray tiny village
where I sat with rucksack
twenty-eight years old
seafarer student
uncorking the local bottle
with its captured scent of spring
fresh wet flowers
in first spring rain
falling lightly now
upon me-

 

Where gone that lonesome hiker
fugace fugitive
blindfold romantic
wanderer traumatic
in some Rimbaud illusionation-

 

The spring rain falls
upon the hillside flowers
lavande and coquelicots
the grey light upon them
in time's pearly gloaming-
Where gone now
and to what homing-
Beardless ghost come back again!

 

An evocation of Vouvray around 1950 shows the church in the centre, but the monument to Charles Bordes on the church wall is hardly visible, hidden by the elm's shadow. At the top right hand corner, the cemetery (le cimetière dans les vignes) where he is buried is visible if you strain your eyes.

Vouvray-les-vins, carte postale vers 1950

 

Back to music.

On this blog you will find the article in English entitled "Charles Bordes – Famous French Composer and Teacher". It is hilarious and sad at the same time. While it contains a few accurate details, it is full of untruths, beginning with the word "famous" in the title. It made me angry, hence the remarks which follow it.

A good general introduction can be found in the already mentioned Grove Dictionary.  It is indispensable reading.

Charles Bordes sacrificed his composer's creative work to his pedagogical tasks. Sacred music was his main field of activity, with the Chanteurs de Saint Gervais, the choir he created in 1890, and above all with the Schola Cantorum, the school he founded in 1896. He died in 1909, aged only 46; "a short life" Grove says.

 

The Basque connection is important. It began after a lecture by Gaston Paris in 1885; in 1889 and 1890 he carried out fieldwork in the Basque country in France and in Spain. It resulted in various publications in the series Archives de la tradition basque. It also influenced his own compositions, not only the Suite basque (1886) and the Rapsodie basque (1888), but also the piano pieces Quatre fantaisies rythmiques and the Caprice à cinq temps (published in 1891). His friend Julien Tiersot says that he became "a kind of adoptive Basque" ("une sorte de Basque d'adoption"). We mentioned earlier his unfinished opera Les trois vagues on which he worked (when he could) throughout his life.

 

He composed nearly forty mélodies on contemporary poems. He was the first to tackle certain texts. In the case of Verlaine's poems, he anticipated other composers, in particular Debussy.

Some of the authors he chose are forgotten today, for instance the mysterious Aimé Mauduit (spelt "Maudit" by Grove, with an involuntary pun which makes him a "poète maudit"). Others are well-known, though often considered as "poètes maudits" precisely. There is this mélodie of 1884 on Baudelaire's famous sonnet Recueillement ("Sois sage ô ma douleur/ Calm down, my Sorrow… in Robert Lowell's translation) which I found last year in the library of the Paris Conservatoire. (Click here and there for the articles in French on this blog.)

 

There are few portraits of Charles Bordes. Several are on this blog. I do not wish to repeat their publication; if you want to see them, click here or there or here again.

Can we show here the choirmaster?

In this detail of a photograph published by Musica in September 1904 (n° 24),

portrait, Musica 24, Ch B dirige Charles Bordes, inhabited by music, shuts his eyes. Or here, he is again with the "Chanteurs de Saint Gervais"; while you look at this picture,

portrait, Ch B dirigeant les Chanteurs de St Gervais, BM p.can you share the joy which Charles Bordes communicates?

 

How can we listen to Charles Bordes's compositions? There are few recordings.

Without losing a minute you can listen to Philip Sear on YouTube;  in a recording made in May 2009, he plays

interprete--Phillip-Sear--4-Mai-2009.JPG

the Fantaisie Rythmique n° 1.

 

A recording of Basque songs which Charles Bordes collected and harmonized, under the title of "hamabi amodio kanta, Douze chansons amoureuses du Pays Basque Français" can be found, published by elkar in Spain. They are sung in Euskara by Antton Valverde (november 2007). interprete--Antton-Valverde--juillet-2011--W.jpgThey can also be found on Deezer (after your inscription); listen in particular to Choriñoak Kaiolan (n° 8) which Charles Bordes heard in 1885 and which marked him deeply. The text (in Euskara) and a translation (in French) are here.

The Suite basque for flute and string quartet is on a CD published in 2007 by ArcoDiva in Prague. The recording on Deezer is here.Also in 2007, the Rapsodie basque was recorded by the Orkestra Sinfonikoa directed by José Luis Estellés. It was issued in Donostia-San Sebastián by the School of music (Musikene) and can be found in their shop (denda).

 

Verlaine, Gustave Bonnet, 1897

Several anthologies of Verlaine's poems used by various composers (and in particular by Charles Bordes) can be found. Still on sale there is the CD published in 1996 by the French INA (ref. IMV020); it is also on Deezer. The mélodies were sung by Suzanne Danco (soprano) in 1955, and Jean-Paul Fouchécourt (tenor) in 1996.

In the CD called Promenade Sentimentale – Paul Verlaine in song published in 2003 in Germany by Ambitus (ref. amb 96 854), the soprano Mariette Lentz sings Promenade sentimentale and Le son du cor.

The CD Symposium V – An anthology of song – French songs in rare recordings – 1910-1943 contains an interpretation of Colloque sentimental sung in 1931 by the soprano Germaine Corney. Germaine Corney, carte postale PolydorThis precious recording (n° 14) can be heard on Deezer. Just click here.

Last year Timpani Records published a CD (ref. 1C1196) of works for piano played by François-René Duchâble and mélodies to poems by Verlaine sung by Sophie Marin-Degor (soprano) and Jean-Sébastien Bou (baritone). I wrote a review of it on this blog. A review of this CD by Adrian Corleonis for Fanfare is readable. He speaks of "France's best kept musical secret". One can only agree with this view. A concert was given last year on Poppy Day (a pure coincidence) in the refectory of the Prieuré de Saint Cosme at La Riche near Tours. (Ronsard was Commander of the priory and is buried there.) François-René Duchâble, Sophie Marin-Degor and Jean-Sébastien Bou can be seen and heard on YouTube. You will hear Paysages tristes II (Les sanglots longs..) and IV (Promenade sentimentale).

interprètes, Duchâble, J-S Bou, St Cosme, 11 nov 12

A second volume of mélodies is planned to come out very soon and we will speak about it in time.

 

Before concluding, a brief bibliography of studies in English.

 

- L. Llewellyn (mentioned by the Grove dictionary)

Bordes's life: Great Musical Inspiration of a Century.

Musical America, (11,9) 1909-10  

- Philip M. Dowd

Charles Bordes and the Schola Cantorum of Paris: their influence on the liturgical music of the late 19th and early 20th centuries.

Catholic University of America, 1969

- Susan Mary Malecki

Charles Bordes: an examination of selected Mélodies.

University of Georgia, 1981

- Catrina Flint de Médicis

Nationalism and Early Music at the French Fin de Siècle: Three Case Studies.

Nineteenth-Century Music Review,

(1, 2), November 2004, pp. 43-66

- Katherine Ellis

Interpreting the musical past: Early Music in Nineteenth-Century France.

Oxford University Press, 2005

- Katherine Ellis

The Politics of Plainchant in fin-de-siècle France

Ashgate, 2013.

 

The most complete study is in French:

Bernard Molla

Charles Bordes, pionnier du renouveau musical français entre 1890 et 1909

Lyon, 1985

(see here)

 

Concerning the bulletin of the Schola Cantorum, "La Tribune de Saint Gervais", Gallica is helpful and also Internet Archive, remarkably efficient: just type the title and the year.

 

Charles Bordes was born 150 years ago. Even in Vouvray, where a monument honours him and where there is his grave,

tombe--palme-d---BC--26-oct-09.jpg

few people know his name or, when they do, what it represents.

 

You may find this post too long. Yet much more could be said. I hope you will find it useful. Your questions and remarks are welcome. OverBlog usually transmits them.

 

 

[The photograph of Antton Valverde comes from Wikipedia. It was made on 2 July 2011 by Goiena.net.

Paul Verlaine's portrait was made by Gustave Bonnet; it is the frontispice of Paul Clerget's Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial, published in 1897.

The portrait of Germaine Corney comes from a commercial postcard published by Polydor.

François-René Duchâble and Jean-Sébastien Bou were photographed during the concert at Saint Cosme on November 11, 2012.

The palm on the Bonjean/Bordes grave was photographed in October 2009.]

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17 août 2013 6 17 /08 /août /2013 20:35

 

monument--main--4294-JPG

   

 

[Médéric Bruno, Monument à Charles Bordes, détail. Place Sadi Carnot, Vouvray. Photo BC]

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10 juillet 2013 3 10 /07 /juillet /2013 19:54

 

Tablettes-de-la-Schola--fevrier-1912--couverture--detail-.jpg

 

 

[Origine de la gravure : Tablettes de la Schola, février 1912, couverture, détail.

Le blog s'interrompt pour les vacances, comme en 2012.

Reprise le 17 août. A bientôt. Bernard Cassaigne]

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21 juin 2013 5 21 /06 /juin /2013 20:32

Encore une commémoration, la dernière peut-être : les 90 ans de l'inauguration du Monument de Vouvray.

Monument---Tourainissime.jpg

Le 17 juin 1923, il était officiellement présenté au public.

Le programme nous donne le détail des cérémonies. La veille, le samedi 16, dès le matin, 26 rue Emile Zola à Tours, les Chanteurs de St Gervais, sous la direction de leur chef, Léon de Saint-Réquier, avaient donné un concert.

Parmi les œuvres "modernes", les Chanteurs de St Gervais terminèrent par deux mélodies de Debussy sur des poèmes de Charles d'Orléans : Dieu qu'il la fait bon regarder (ici dans l'interprétation de la Bay Choral Guild à Palo Alto), et Yver, vous n'estes qu'un vilain (ici par le Stockholm Chamber Choir).

Suivit une conférence sur Charles Bordes par Horace Hennion, Président de la Société littéraire et artistique de Touraine. Le programme en donne les grandes lignes : "La Famille de Charles Bordes. – Sa naissance à Vouvray (12 Mai 1863) ; son enfance. – Ses études avec César Franck. – Sa mission au pays Basque. – Charles Bordes, fondateur et directeur des Chanteurs de Saint-Gervais et de la Schola Cantorum. – La Musique Religieuse : les Maîtres primitifs des XIVe , XVe et XVIe siècles ; sa décadence. – Les anthologies et reconstitutions scéniques de Ch. Bordes. – Sa retraite à Montpellier. – Sa mort à Toulon (8 Novembre 1909). – Son inhumation à Vouvray (19 Janvier 1910)."

 

Le dimanche 17 juin, il y avait d'abord une messe à St Martin de Tours. C'est la Schola Cantorum Saint Odon de Tours qui  chantait. Elle terminait par l'Alleluia du Messie de Haendel. (On se souviendra que l'exécution de cette œuvre dans une église avait créé des remous et que la Tribune de Saint Gervais avait condamné ce mélange liturgie/musique. Les choses avaient changé depuis ¼ de siècle.)

Le dimanche après-midi, après un "pèlerinage" sur la tombe de Charles Bordes, le Monument était inauguré, à 5 heures et demie, en présence du Maire de Vouvray, Charles Vavasseur et du sculpteur, Médéric Bruno.

Le poème de Louis Chollet A Charles Bordes était ensuite dit, puis la Cantate "Invocation à Bordes" de Fernand Jouteux, compositeur tourangeau qui avait jadis (en 1899) écrit une œuvre sur un poème d'Horace Hennion à la gloire de Balzac.

Michel d'Argœuves, Secrétaire de la Schola Cantorum écrit (sévèrement) dans les Tablettes de la Schola (22e année, n°7, juin 1923) : "Après l'exécution d'une cantate assez médiocre, écrite pour la circonstance par un compositeur dont je n'ai pas retenu le nom, plusieurs discours…"

Parmi les discours qui suivirent, dont celui du Maire, on retiendra celui de Pierre de Bréville dont il sera question plus loin. Un Salut était chanté en l'église de Vouvray par le chœur de la Schola Cantorum Saint Odon. Il se terminait par le Nunc dimittis (paraphrase du Cantique de Syméon : Maintenant, tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix, texte de l'Abbé Henri Hello), dernière œuvre religieuse de Charles Bordes.

 

Pierre de Bréville fit un précieux discours retraçant la carrière de Charles Bordes. On le trouve dans les Tablettes de la Schola citées plus haut (pp. 108-112). On imagine la note de mélancolie : Charles Bordes était né en 1863, Pierre de Bréville en 1861. Ils avaient étudié ensemble au Conservatoire et sous César Franck. Bréville continuait son chemin dans la musique (il mourra en 1949). En 1914 et en 1921 il avait revu et publié les mélodies de Charles Bordes et ces deux livres (moyennant quelques ajouts) font autorité.

C'est dans ce discours qu'il parle d'Avril, la première mélodie du "petit Bordes", qui lui fut montrée en 1883. Il note que Charles Bordes "ne cessait de composer" et ajoute : "Il n'oublia pas – tout en sacrifiant un peu avec une admirable abnégation celui qu'il aurait pu être – que lui aussi était musicien." Plus loin il dit : "…son œuvre musicale est… forcément, au point de vue du nombre, peu considérable. Mais elle est de qualité rare par le sentiment personnel de sensibilité, de clarté et de fraîcheur qui s'y manifeste." Il parle des mélodies et du fait que Charles Bordes est le premier "qui adopta, et peut-être mieux que beaucoup d'autres comprit, Verlaine". Au passage il cite, comme liés à Charles Bordes, des vers célèbres de ce poète, en particulier "les fruits, les fleurs, les feuilles et les branches". C'est Green, la fameuse "mélodie introuvable". (Bréville ne l'a pas mise dans les recueils de 1914 et de 1921. Quelqu'un finira bien par la trouver.) Cette allusion, dans le discours du 17 juin 1923 est surprenante.

D'autres passages du discours  renvoient une image conventionnelle de Charles Bordes qui ne correspond pas nécessairement à la réalité. Bordes est qualifié d'improvisateur plein de fougue, par exemple en déplaçant la Schola de la rue Stanislas à la rue St Jacques. En réalité ce déplacement était une nécessité et tout le monde y pensait. Contrairement à la légende, l'avis des sages amis (expression utilisée par Bréville) était pris et comptait.

Les préjugés de Bréville, de culture et de classe, apparaissent aussi, quand il parle de la terre française ou de Verlaine : "…ce poète si français qu'il semble impossible de lui supposer une autre origine, une autre race que la nôtre."

 

Le programme de cette inauguration est particulièrement intéressant pour les illustrations qu'il contient, toutes en noir et blanc.

Il débute par un tableau d'Elisabeth Sonrel. Nous en avons retrouvé une version sur une carte postale (la localisation actuelle du tableau reste inconnue).

Concert mystique, Elisabeth Sonrel

C'est le "Concert mystique", exposé au Salon de 1913.  Elisabeth Sonrel, peintre académique, marquée par le symbolisme, était une artiste tourangelle. La présence de ce tableau pour commencer le programme a donc un sens. Nous avons voulu garder l'expression dans le titre du billet. Elle a peint de nombreux tableaux, représentant des êtres purs, des musiciens, des anges, illustré des livres comme ce missel chez Mame en 1908. Le "Concert mystique" est conforme au sens que l'on a voulu donner à cet hommage à Charles Bordes. Comme Maître de chapelle, chef de chœur des Chanteurs de Saint Gervais et créateur de la Schola Cantorum (rattachée à l'Institut catholique de Paris), il a servi l'Eglise et le Motu Proprio du Pape Pie X (le pape musicien) le montre bien (22 novembre 1903).

Si on considère l'architecture même du Monument de Vouvray, on verra qu'il est bâti comme un contrefort qui soutient l'église.

Cependant, le mot qui vient en premier sur le Monument et qu'on retrouve sur la tombe, est celui de compositeur. Charles Bordes est un musicien et c'est ainsi qu'il doit être considéré, sans réductionnisme.

Charles Bordes aurait aimé cette image du "Concert mystique". François-Paul Alibert dans Charles Bordes à Maguelonne (1926) nous dit qu'au Mas Sant Genès on voyait "une profusion […] d'anges chanteurs." Nous en avons parlé ici, à propos des chanteurs de della Robbia à Florence.

 

Notre regard est arrêté par plusieurs photos où on voit Charles Bordes. Il y a bien sûr les trois fondateurs de la Schola Cantorum sur les marches de la rue St Jacques. (Cette photo date de l'automne 1900 et non de 1894 comme dit le programme.)

On voit le portrait de Charles Bordes studieux, photographié par Paul Bacard en 1904 (probablement) et surtout deux portraits par Pierre Petit de 1892 et de 1901.  Pierre Petit photographiait les artistes (donc les musiciens) et aussi les ecclésiastiques. Cela convenait parfaitement. Nous ne connaissions pas ces portraits.

Mais d'abord voici le portrait sculpté qui figure sur le Monument, sur le "contrefort",

portrait, CB sur le Monument, BC, 8845.

précisément. Vous le voyez en noir et blanc pour mieux le comparer avec les photos. C'est un notable. Il ne convient pas du tout. Charles Bordes n'était pas ainsi. C'est la seule fausse note du Monument.

En revanche voici la photo de 1892

portrait, 1892, Pierre Petit 

où on reconnait bien l'optimisme, l'ardeur du chef de chœur (voyez-le en action en cliquant ici : c'est bien lui).

Enfin, cette photo de 1901

portrait, 1901, Pierre Petit

où Charles Bordes, alors âgé de 38 ans, amaigri, sévère presque, montre une gravité qui ne le quittera plus.

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18 juin 2013 2 18 /06 /juin /2013 17:21

Charles Bordes wrote in 1883 a mélodie entitled Madrigal à la musique on a poem by Maurice Bouchor. It is a translation of the poem by Shakespeare (some say John Fletcher) in the play Henry VIII (act III, scene i) :

 

Orpheus with his Lute made Trees,
And the Mountaine tops that freeze,
Bow themselues when he did sing.
To his Musicke, Plants and Flowers
Euer sprung; as Sunne and Showers,
There had made a lasting Spring.
Euery thing that heard him play,
Euen the Billowes of the Sea,
Hung their heads, & then lay by.
In sweet Musicke is such Art,
Killing care, & griefe of heart,
Fall asleepe, or hearing dye.

 

You will find on the Internet various musical versions of this poem. Can we suggest this one ?

The singer is unknown to me. The music was written by Vaughan Williams in 1902.

 

Charles Bordes's mélodie, in E major, written twenty years earlier, is for four voices, soprano, mezzo-soprano, tenor and bass. For the time being there is no recording of it. The image of the tamed sea (lines 8 and 9) struck Charles Bordes. He remembered it in 1890 when he began his opera Les trois vagues (The three waves), unfortunately left unfinished. In this Basque legend a sailor subdues the three waves, of milk, of tears and of blood made by a sorceress to kill him.

Maurice Bouchor also translated into French Shakespeare's Tempest, published in 1888. A possible vision of this play is that of a victory of good over evil, thanks, precisely, to the elements.

We chose this text to open the blog, in february 2011. The post can be seen if you click here.

 

Maybe you have read the following post in English: Charles Bordes. Famous French Composer The quoted text, by Jamie Farris, contains many untruths. It was put on this blog two years ago. If your return to it, read carefully the notes.  Do you find them too allusive or humorous? Their purpose is to put things right.

 

Finally, to conclude this post, can we send you back here? You will find a twelve-line poem by Gavin Ewart. It has nothing to do directly with Charles Bordes, except that the cat-lover he was would have liked it and perhaps also the mélodie written and sung by David W. Solomons.

 

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18 juin 2013 2 18 /06 /juin /2013 16:53

When whispering strains do softly steal
With creeping passion through the heart,
And when at every touch we feel
Our pulses beat and bear a part;
      When threads can make
      A heartstring shake,
      Philosophy
      Can scarce deny
The soul consists of harmony.

When unto heavenly joy we feign
Whate’er the soul affecteth most,
Which only thus we can explain
By music of the wingèd host,
      Whose lays we think
      Make stars to wink,
      Philosophy
      Can scarce deny
Our souls consist of harmony.

O lull me, lull me, charming air,
My senses rock with wonder sweet;
Like snow on wool thy fallings are,
Soft, like a spirit’s, are thy feet:
      Grief who need fear
      That hath an ear?
      Down let him lie
      And slumbring die,
And change his soul for harmony.

 

William Strode

(1600-1645)

 

 

 

[The spelling of this poem has been modernised. The original text can be found in : The poetical works of William Strode (edited by Bertram Dobell), London: The Editor, 1907, and: Selected poems of William Strode, (selected and edited by Tony Frazer), Shearsman Books, Exeter, 2009. It was set to music by Robin Holloway, under the title The consolation of music, in 1966 (stanza 3), then in 1977. The score is published by Boosey & Hawkes.]

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18 juin 2013 2 18 /06 /juin /2013 16:38

Nous avons vu dans le texte de Proust (I) une œuvre musicale profane proche de l'œuvre liturgique (II) et des auditeurs fervents (III). Il nous faut revenir sur le contenu de la mélodie. Y a-t-il un message ?

On a pu dire que la mélodie, art raffiné, est élitiste, alliant la poésie et une musique loin du quotidien. Sans aller jusqu'à Annie Ernaux qui dit dans Passion simple (p. 27) comment les chansons à la mode, les "tubes" sentimentaux et peu "artistes" parlent à l'âme en ce qu'elle a de plus profond, on se souviendra que Charles Bordes était sensible à l'art "populaire" au Pays Basque ou au Languedoc, et qu'il mettait au-dessus de tout ce chant basque pour la liberté :

Choriñoak kaiolan,
[…]

libertatia zuñen eder den !

(L'oiseau dans la cage, […], La liberté est si belle. Traduction du Dr Jean-Félix Larrieu dans Douze chansons amoureuses du Pays basque français, Rouart, Lerolle et Cie éditeurs, 1910). Charles Bordes qui avait placé en exergue de la Rapsodie basque (1888) cette phrase de Robert Schumann : "Ecoutez attentivement la chanson populaire, c'est la source inépuisable des plus belles mélodies."  

Il incorpore des éléments de la romance narrative (Charles Bordes avait entendu chanter sa mère, Marie de Vouvray) et des airs populaires. Une mélodie comme Avril, sur le poème Vieil air d'Aimé Mauduit, tout en ronsardisant :

Mignonne, vient cueillir les roses

évoque la romance. Le doux chant badin de Verlaine, dans la mélodie Sur un vieil air, fait entendre les mots et l'air du Plaisir d'amour de Martini. Ces exemples pourraient être multipliés. Citons encore la mélodie Dansons la gigue où le texte si amer de Verlaine est renforcé par le leitmotiv adopté par Charles Bordes sur un air populaire anglais.

Cependant, avec la mélodie, le narratif s'éloigne ; ce n'est pas la goualante ni la romance. Dans l'exemple qui vient d'être donné, c'est déjà la "tristesse noire" dont parlera Verlaine dans Les poètes maudits (1888), sur l'abandon de la poésie par Rimbaud.

 

Le réel n'est pas dans la mélodie. Même si Charles Bordes chante sur les vers de Francis Jammes :

Pendant que ma chienne et mon chien fixaient une
mouche qui volait et qu'ils auraient voulu happer

le concret n'est qu'une apparence. Les descriptions de la nature dans les mélodies sur des poèmes de Verlaine (une aube affaiblie…, l'épais linceul des ténèbres…, les chemins perfides…, etc.) sont avant tout des paysages de l'âme.

D'une façon générale, la "réalité", transposée une première fois par le poème, l'est une deuxième fois part la musique. Ce n'est pas un "irréel", c'est un "ailleurs". La double contrainte à laquelle est soumis le chanteur : dire un texte, le chanter, conduit à ce dépassement.

 

Si le message de la mélodie parle plus à tel ou tel auditeur (par exemple selon les catégories énumérées par Proust), globalement il y a partage : c'est la communion dont parle Proust. Si on prend ce thème si religieux de la souffrance, souvent abordé par la mélodie (avec Charles Bordes, depuis les "yeux perfides" de Léon Valade, à "l'amour évanoui" de Maurice Bouchor, ou au rejet total du "Colloque sentimental" de Verlaine), le chant apporte la consolation. Reprenant le titre d'un lied de Schumann, Camille Mauclair (La religion de la musique, 1909, édition de 1928, p. 118 et suivantes) parle de "la consolation dans le chant", "apanage de tout être sensible". Il ajoute : "la musique nous surélève au-dessus de nos sens et nous mêle à l'amour, et ainsi elle nous délivre de la douleur". Il conclut : "La peine est chantée : Ite missa est…" C'est "l'invisible messe" de Proust.

Tout le passage pourrait être cité, comme celui-ci (op. cit., p. 305) où la mélodie devient "un ange gardien individuel" dans "ces heures où l'on n'en peut plus". Comme Proust dans Les plaisirs et les jours, Mauclair dit "le bien inouï que peut faire un petit lied".

 

En un bref instant d'illumination, pendant les petites minutes que dure une mélodie (est-ce le καιρός, ou une "entrevision" chère à van Leberghe ?), se produit une épiphanie mélodique.

Au commencement, il y a un acte volontaire : l'individu va écouter des mélodies, il se joint au groupe dans la salle de concert, il accepte le rêve. Est-il "comme un enfant crédule" ? Moréas répond, dans la mélodie de Charles Bordes :

Qu'importe si je sais que c'est mirage et leurre !

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