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22 octobre 2013 2 22 /10 /octobre /2013 18:41

Je me revois, le matin, assis à ses côtés, sous l'arbre pleureur qui nous faisait un abri. Il lisait des projets de drame et de ballet, racontait des paysages et des voyages. Son imagination débordait. D'un mot, d'un trait, d'une touche légère, il allait au fond des choses les plus cachées. Et tout d'un coup, quand l'enthousiasme de la beauté l'animait, ses yeux avaient quelque chose de fixe, de presque hagard, et son front, d'inspiré, qui faisait éclater toute son âme à son visage. La fraîcheur tiède de l'air sentait la pluie prochaine ; des branches tendres retombaient ; on entendait roucouler une tourterelle invisible. Je crois bien n'avoir jamais connu qualité plus légère ni plus tranquille de bonheur.

En lui faisant mes amitiés une dernière fois :

-          Quand nous reverrons-nous ? lui demandai-je.

-          Qui sait ? me répondit-il avec ce doux fatalisme qui n'était jamais absent de sa bonté.

 

Mais ce n'est que plus tard qu'on se rappelle combien certains accents sont prophétiques.

 

Et Charles Bordes souriait en me disant adieu.

 

A peine un mois après, nous apprenions sa fin subite.

 

 

 

 

[Ce texte est la fin de Charles Bordes à Maguelonne de François-Paul Alibert, publié en 1926. Il décrit une visite au Mas Saint Genès à Montpellier au début octobre 1909. Alibert l'a d'abord publié dans sa chronique nécrologique sur Charles Bordes dans L'occident, février 1910. Je remercie Bernard Molla de m'avoir conduit à Maguelonne.]

 

 

 

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17 août 2013 6 17 /08 /août /2013 20:35

 

monument--main--4294-JPG

   

 

[Médéric Bruno, Monument à Charles Bordes, détail. Place Sadi Carnot, Vouvray. Photo BC]

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10 juillet 2013 3 10 /07 /juillet /2013 19:54

 

Tablettes-de-la-Schola--fevrier-1912--couverture--detail-.jpg

 

 

[Origine de la gravure : Tablettes de la Schola, février 1912, couverture, détail.

Le blog s'interrompt pour les vacances, comme en 2012.

Reprise le 17 août. A bientôt. Bernard Cassaigne]

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27 septembre 2012 4 27 /09 /septembre /2012 15:43

Tel est le pseudonyme choisi par Charles Bordes lorsqu'il écrit des poèmes. Dans sa thèse (Tome III, pp. 46-49) Bernard Molla en cite quatre. Ils sont adressés à Jules Chappée. Le dernier cité, "A une giroflée", copié par Jules Chappée, est daté du 5 juin 1881 et écrit à Baden Weiler. Le premier "Les plaintes du vent" et le suivant, "Sur l'eau" sont datés de Lobbes le 29 septembre 1882. Le troisième (n° 19 à la BN), "L'arbre d'amour", date probablement de 1881 comme le dernier texte avec lequel il est joint. Ces textes ont été écrit en voyage, de France en Allemagne en passant par Lobbes en Belgique. Par la suite, Charles Bordes n'a jamais écrit de poésie, en tout cas il n'y en a aucune trace dans la correspondance transcrite par Bernard Molla. Nous savons qu'il avait entendu les romances écrites par sa mère, Marie de Vouvray, probablement à caractère sentimental (non retrouvées encore).

Sa première mélodie, Avril, qu'il montre à Pierre de Bréville en 1883, est écrite sur un poème ronsardisant d'Aimé Mauduit. C'est amusant de voir que Charles Bordes n'inclut pas dans sa mélodie la troisième strophe du poème, un peu "coquine".

C'était un lecteur exigeant ; dans une lettre non datée, probablement de 1883 ou 84, il renâcle d'être obligé de "rhabiller une nouvelle chose sur un poème qui m'a toujours ennuyé" (Bernard Molla, op. cit., Tome III, p. 23). Il sait ce qu'il aime ; c'est aussi pourquoi il y a si peu de mélodies.

Lecteur, puis écrivain, c'est ainsi qu'il apparaît dans la lettre du 31 mars 1881 ou il dit "je lis Lamartine". Dans la même lettre il évoque un accès de romantisme : "Ce matin je voyais au loin se balancer un bel arbre dans le Stadt-Garten et je me disais que l'on doit être bien l'été dans son feuillage à lire et à penser lorsque [la muse] me rend visite, les cheveux épars, le sein découvert comme après une débauche et vient me dire tout bas que l'on pouvait faire autre chose que lire ou penser sous cet arbre majestueux, j'eus le malheur de l'écouter, cela me démangeait et je me suis mis à écrire quelque chose de bien peu platonique mais le tentation etait si forte que je te l'envoie." Le poème alors écrit est sans doute "L'arbre d'amour".

Il est intéressant de nous arrêter sur ces œuvres, avec, bien sûr, la plus grande indulgence. Les thèmes choisis sont traditionnels, avec souvent des clichés : la femme est belle et fragile, l'amour peut passer par des phases difficiles mais il est souvent heureux, il est toujours affiché hétéro comme c'est la règle (nous sommes loin des "pièces condamnées" des Fleurs du Mal).

Il y a communion entre le monde et l'âme : nous lisons dans Les plaintes du vent,

Ces tristes chants de la nature

Humectent mes yeux de pleurs

Et celui qui écrira en 1901 une mélodie sur les vers de Francis Jammes "mon âme éclate de douleur", conclut ce poème par :

                                       Mon âme est prête à se briser

 

IMG_9487.JPG

 

 Considérons le poème Sur l'eau, qui date de septembre 1882. 

 

Quand la vague craintive

Expire sur la rive

En murmurant

Eclairée par la lune

Ou perdue dans la brume

Tout en aimant

Qu'il est doux de vivre

De voir silencieuse,

L'eau clapoter

Et la barque légère

Qui sous ton poids ma chère

Semble verser

Quand ton beau corps se penche

Comme une faible branche

Sur le bateau

Et que tu vas folâtre

De ton fin bras d'albâtre

Faire mousser l'eau

La lune radoteuse

qui nous regarde heureux

Nous dit d'aimer

Et sur ta lèvre rose

Dans mon délire je pose

                                      Un doux baiser

 

Nous le donnons tel que nous le trouvons. Il est écrit au crayon. Nous imaginons bien que la transcription a dû être difficile.

Les clichés linguistiques ont peu d'importance et auraient pu être corrigés (beau corps, fin bras d'albâtre, lèvre rose, doux baiser) ; cependant si on objecte à chère (vers 11), on se souviendra que le mot est verlainien (dans Spleen).

Les 24 vers dont le poème est formé constituent 4 strophes de 6 vers. Au niveau du manuscrit, il n'y a pas de ponctuation sauf une virgule au vers 8. Chaque vers commence par une majuscule, comme il est traditionnel, sauf le vers 20. Nous voyons dans les strophes une grande régularité syllabique : 6-6-4-6-6-4, et les rimes suivent en général le schéma a a b c c b. Si on retient les 4 strophes, il y a un enjambement entre la strophe 2 et la strophe 3 (c'est à-dire entre les vers 12 et 13) : Semble verser/Quand ton beau corps se penche. Il y a d'autres enjambements, nombreux en raison de vers si courts, à l'intérieur des strophes, accentuant la fluidité de l'ensemble (exemple, sujet + verbe : la vague craintive / expire, etc.). Charles Bordes apparaît très soucieux de la forme. Il y a, certes, des défauts. Au vers 18 (Faire mousser l'eau) ou au vers 23 (Dans mon délire je pose) le compte n'est pas tout à fait bon. Mais le schéma rythmique 6-6-4 est bien réussi, produisant très bien un effet de balancement. C'est accentué par le fait que les rimes masculines (ex murmurant, aimant, etc.) sont toujours à la fin des vers courts de 4 syllabes.

Ainsi nous sommes devant un texte qui rend le mouvement de l'eau, thème éminemment impressioniste.

 

IMG_9492.JPG

 

 

 [Photos : la Cisse à Vouvray. © BC]

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31 août 2012 5 31 /08 /août /2012 08:11

 

monument--main--4296-JPG

 

 

 

 

[Vouvray, monument à Charles Bordes par Médéric Bruno, détail, photo BC]

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20 juillet 2012 5 20 /07 /juillet /2012 13:26

 

 

monument, mains, 4292.

 

 

 

 

 

 

[Vouvray, monument à Charles Bordes par Médéric Bruno, détail, photo BC]

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14 mars 2012 3 14 /03 /mars /2012 16:04

Sur le tableau de Fantin-Latour Autour du piano, au Musée d'Orsay, le grand musicien est debout à droite, possédé par la musique mais sûr de lui. Le tableau date de 1885. Il a un peu plus de trente ans.

VDI--Fantin-Latour--Autour-du-piano--Musee-d-Orsay.jpg

On ne peut parler de Charles Bordes sans évoquer Vincent d'Indy. On trouvera ici et là, dans des livres et sur Internet, des opinions différentes sur le musicien, parfois des hagiographies pratiquant le mensonge par omission, parfois des critiques féroces. Il est difficile d'être objectif et ces notes veulent d'abord être utiles. Un précédent billet reproduit cette photo célèbre des fondateurs de la Schola Cantorum. On est en 1900, au 265 rue St Jacques dans les nouveaux locaux. Par son attitude, la jambe pliée, de trois quarts, il occupe le perron et prend possession des lieux. On voit qui est le maître. Avec les deux autres, Charles Bordes et Alexandre Guilmant,il a créé cette école en 1894. C'est Charles Bordes qui avait les idées. Six ans plus tard c'est Vincent d'Indy qui détient le pouvoir.

VDI--c.-1900--photo-Leopold-Reutlinger--Musee-d-Orsay.JPG

Ce portrait (photo de Léopold Reutlinger, Collection Félix Potin, Musée d'Orsay) le montre en 1900. Il gardera la direction de l'Ecole jusqu'à sa mort en 1931. Il incarne une énergie qu'il veut mettre en œuvre. On le voit dans son discours de rentrée, Une école d'art répondant aux besoins modernes, le 2 novembre 1900, aussitôt diffusé dans le bulletin de la Schola, La Tribune de St Gervais et aussi dans l'antidreyfusard Occident, dirigé par Adrien Mithouard : Vincent d'Indy fait de la Schola une arme de ce combat. En plus des principes à caractère musical, il situe la Schola Cantorum du côté du conservatisme social.
Charles Bordes s'occupera désormais de la "propagande", c'est-à-dire de faire de nombreux voyages, surtout en France, pour diffuser la musique faite à la Schola Cantorum (sur ces voyages, on consultera la thèse de Bernard Molla, op. cit., Tome 1, pp. 180-219). Ces voyages l'useront. Il trouvera un refuge à Montpellier (nous en reparlerons) sans vraiment arrêter. Cependant, par rapport à la Schola parisienne, c'est un sentiment de libération qui l'emporte.
Il l'écrit, dans une lettre à son ami Guy Ropartz (Bernard Molla, op. cit., Tome III, p.116) du 14 juin 1901 : "Tel je suis, remueur d'idées, manieur de volontés ; du moment que la chose a pris corps il me faut fuir tant j'ai horreur de tout ce qui a un semblant d'ordre et de méthode."
Vinent d'Indy avait, selon l'expression de Bernard Molla (Tome I, p.91), "la haute direction de l'école". Il y était, bien sûr, enseignant. Plusieurs photographies le montrent entouré de ses élèves, comme celle-ci :

VDI à la Schola

Vincent d'Indy est au piano ; on voit, assise, Blanche Selva, et debout, 4e à gauche, René de Castéra qui remplacera Charles Bordes comme Secrétaire de la Schola Cantorum. C'est la classe de composition. Vincent d'Indy enseigne aussi au Conservatoire où il a, après 1912, une classe d'orchestre. Les deux institutions, Schola et Conservatoire, sont peut-être "rivales", mais il convient de noter cette contradiction fort bien vécue, semble-t-il, par Vincent d'Indy.
On trouvera un bilan sans ombre de Vincent d'Indy, dans la notice de Musica et Memoria. Un article de Guy de Lioncourt (paru à l'origine dans Musique et Liturgie, n°20, de mars-avril 1951) décrit le rôle de Vincent d'Indy comme éducateur mais aussi comme compositeur. Guy de Lioncourt (élève de la Schola dès 1904) a édité le cours de composition de Vincent d'Indy (tomes 1 et 2) et rédigé le tome 3 (source : Vincent d'Indy et son temps, édité par Manuela Schwartz ; voir plus loin). A la suite, un article de Paul Dukas datant de 1930 décrit le travail du musicien et il est suivi par un catalogue des œuvres par Denis Havard de la Montagne.
La musique de Vincent d'Indy n'est pas confidentielle : elle est facile à trouver. De nombreux enregistrements existent et nous signalons ici quelques directions possibles.
Les œuvres orchestrales, les œuvres pour piano, les quatuors à cordes, etc. sont sur CD Mail.
Peut-on recommander le CD chez Timpani qui contient Le Poème des rivages, Istar, Le Diptyque méditerranéen ? Et les autres enregistrements proposés par ce label comme la musique de chambre, ou le Concert pour piano, flûte, violoncelle et cordes ?
La très célèbre Symphonie sur un chant montagnard français en sol majeur, opus 25 (dite cévenole, de 1886) peut être écoutée intégralement sur Allomusic comme la Symphonie n°2 en Si bémol majeur (opus 57) composée en 1902-3 (que Vincent d'Indy dirigera à Barcelone en 1930 avec l'orchestre Pablo Casals).
Sur Deezer, écoutez les Tableaux de voyage pour piano (opus 31) interprétés par Gérard-Marie Fallour, notamment la Fête au village (CD paru chez L'Algarade en 2009).

Puisque vous êtes sur Internet, allez voir la présentation nuancée faite sur France Musique, par Olivier Bernager, en octobre 2009, de la Schola Cantorum, avec, mentionnée d'emblée, l'Affaire Dreyfus en arrière-plan.
Vincent d'Indy est un personnage avec une part d'ombre que l'on ne peut éluder. Comme chacun, il avait des opinions privées, mais, utilisant sa notoriété, il les rendait publiques.
On lira en Google Book l'article de Manuela Schwartz (pp. 37-63) : Nature et évolution de la pensée antisémite chez Vincent d'Indy, dans l'ouvrage déjà cité, Vincent d'Indy et son temps, publié chez Mardaga en 2006 à la suite du colloque organisé à la BNF par la Société Française de Musicologie en septembre 2002.
Il faut certes, nuancer le portrait "d'un représentant de la riche noblesse française, conservateur, réactionnaire, chauvin, catholique et antisémite, dont les convictions politiques et religieuses seraient exclusivement de droite." (Manuela Schwartz).
Mais Vincent d'Indy avait lu attentivement le texte de Richard Wagner Das Judentum in der Musik (Le Judaïsme et la musique) dans sa traduction parue en Belgique (le texte de Wagner date de 1850, Vincent d'Indy a utilisé l'édition de 1869). Wagner y écrivait : "Le juif ne peut que répéter et imiter, il ne peut pas créer. (…) Nous sommes donc forcés de regarder la période du judaïsme dans l'art musical, comme celle de la plus grande impuissance dans l'ordre de la production." (Les citations proviennent de l'article de Manuela Schwartz.)
En 1898, au moment d'une évolution politique plus favorable à Dreyfus, Vincent d'Indy devient membre de la Ligue de la Patrie Française (François Coppée, Président) et recrute en s'adressant à d'autres personnalités (à notre connaissance, Charles Bordes n'y figure pas). Il écrit à Pierre de Bréville le 28 septembre 1899 : "Je n'ai aucune envie de faire de l'art dans ce pays aussi dreyfusard que peu artiste."
C'est dans ce contexte qu'il faut lire le discours qu'il prononce à la Schola Cantorum pour sa rentrée le 2 novembre 1900 : "Ce que nous devons chercher dans nos travaux d'art, ce n'est pas le profit, laissons ce négoce aux trop nombreux sémites qui encombrent la musique depuis que celle-ci est susceptible de devenir une affaire…"
"D'autre part," écrit Manuela Schwartz, "il charge la Schola Cantorum de sa mission de faire barrage aux débordements de la prétendue dégénérescence de l'art…"
En 1903, pendant l'élaboration de son opéra La légende de St Christophe, il écrit à Pierre de Bréville (19 septembre) : "J'ai travaillé à l'ébauche de mon nouveau drame antijuif qui me passionne beaucoup. Il est bien entendu que je n'y fais aucune allusion actuelle et que les personnages ne se nomment ni Dreyfus, ni Reinach  ni même Combes… ce serait leur faire trop d'honneur, à ces funestes goujats…" L'opéra sera représenté en 1920. On lira que l'auteur n'est pas responsable d'une mise en scène qui en soulignait l'antisémitisme. C'est un argument risible fait pour dédouaner Vincent d'Indy et atténuer sa responsabilité dans ce que certains considèrent comme le seul opéra antisémite français.
Les polémiques continuent jusqu'à aujourd'hui. Si on veut on lira l'article d'Alexis Corbière : "Pourquoi ai-je demandé que l’on change le nom du Collège Vincent d’Indy (clérical antisémite réputé) ?" du 2 juin 2010 et les commentaires critiques qui montrent qu'Histoire et Politique ne font pas bon ménage. (Voir aussi le point de vue nuancé et modéré de Fabrice Moulin, Radical de Gauche au Conseil de Paris.)
Vincent d'Indy était un antisémite, mais c'est aussi un grand compositeur. Il est mort en 1931 et il n'est pas responsable de ce qui a suivi.
Faudra-t-il ne plus écouter sa musique sous prétexte que son auteur était un réac grave ? Quelle absurdité !
L'équilibre est parfois difficile à tenir. Ne pas verser dans l'hagiographie ni dans le rejet, ne pas cacher les ombres réelles.
La notice de Wikipédia (du moins dans son état actuel, de mars 2012) tente cet exercice d'équilibre. Vincent d'Indy était un homme de contradictions. On a lu l'éloge de Paul Dukas. Parmi les élèves de la Schola Cantorum, Déodat de Séverac s'est par la suite présenté aux élections  du conseil d'arrondissement de Villefranche de Lauragais sous l'étiquette de "réactionnaire", mais il était dreyfusard, comme Albéric Magnard, professeur à la Schola.
Plus généralement, que représentait la Schola Cantorum dans la société ? Un prochain billet, sur "la cage traditionnaliste" en parlera.
En regardant ce dessin de Déodat représentant son maître Vincent d'Indy sur un devoir sur la fugue fait à la Schola vers 1900 (et merci à Musica et Memoria où nous l'empruntons),

VDI--vu-par-DDS--vers-1900-sur-un-devoir-de-fugue.jpg

nous écouterons à nouveau cet éloge de la liberté chanté en euskara par Antton Valverde (c'est Choriñoak kaiolan, n°8 des Chansons amoureuses du Pays Basque français, recueillies par Charles Bordes).

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14 février 2012 2 14 /02 /février /2012 20:49

Le nom de ce musicien est évidemment associé à celui de Charles Bordes. Il figure sur la photo

Schola, c. 1900, fondateurs

souvent reproduite (par exemple dans la thèse de Bernard Molla, Tome I, p.66) avec Vincent d'Indy (à droite) et Charles Bordes (à gauche) devant lui. Ce sont bien sûr les fondateurs de la Schola Cantorum, photographiés sur le perron de l'école, dans son local définitif, au 269 rue St Jacques, donc après 1900. La Schola Cantorum a été fondée en 1896, et Alexandre Guilmant en était dès le début. Il était présent à la réunion fondatrice du 6 juin 1894 (cf Bernard Molla, op. cit. p.67).

Alexandre Guilmant (1837-1911) était déjà très célèbre quand Charles Bordes l'a appelé à ses côtés.

Guilmant--portrait-dans-Wikipedia.jpg

Depuis 1871 il tenait les orgues de la Trinité à Paris. Sa carrière est marquée par de nombreuses tournées en France et à l'étranger, notamment aux Etats-Unis. Ce n'est pas le but de ce billet de parler en détail de sa carrière d'organiste, ni de son travail de compositeur et de son rôle comme enseignant. A la Schola Cantorum, il avait, outre ses fonctions de direction, la classe d'orgue. En cliquant ici vous lirez la notice de Wikipédia (elle contient sa fugue alla Haendel, op. 49 et renvoie à plusieurs pièces d'Alexandre Guilmant interprétées sur YouTube), et en cliquant , le site passionnant qui lui est consacré, tenu (en anglais) par Piet Bron aux Pays-Bas. Il contient de nombreuses photos et une discographie très riche.

Enfin vous lirez la notice très complète écrite en 1987 par Denis Havard de la Montagne pour Musica et Memoria. Nous lui empruntons la photo de Branger-Doyé où l'on voit Alexandre Guilmant au grand orgue du Trocadéro.

Guilmant--au-grand-orgue-du-Trocadero--musimem.jpg

Il y a joué pendant plus de vingt ans. On trouvera, dans les profondeurs du Palais de Chaillot, un monument bien caché qui lui rend hommage.

monument-Guilmant--5851-copie-1.JPG

Ce monument est l'œuvre de Paul Theunissen (1873-1931) ; il en a déjà été question dans ce blog. Il est intéressant de noter que ce sont des choristes que le sculpteur a choisis pour cet hommage :

monument-Guilmant--5846.JPG

Pouvait-on exprimer plus fortement le lien de Guilmant avec la Schola et l'aboutissement qu'elle représentait pour lui ?

Charles Bordes lui avait dédié en 1899 la mélodie La ronde des prisonniers écrite sur le poème de Verlaine. Pour le service funèbre consacré à Charles Bordes le 18 novembre 1909, Alexandre Guilmant joua une improvisation dont il a écrit par la suite les thèmes ; ce manuscrit est reproduit dans le numéro spécial de La Tribune de St Gervais consacré à Charles Bordes (p. 3) :

Guilmant--impro-CB--1909.gif

Le site musimem (Musica et Memoria) en propose l'audition dans l'interprétation du Dr Aurelio Genovese à la basilique des Saints Gervais et Protais de Rapallo ; cliquez d'abord ici, puis, une fois sur musimem, cliquez sur la flèche.

Deux ans plus tard la même Tribune publiait un numéro spécial à la mort d'Alexandre Guilmant. On le trouvera sur Gallica. En le lisant, on verra la richesse du personnage. Chrétien certes, comme Charles Bordes, mais comme Charles Bordes, d'abord musicien. Son art ne nous parvient pas masqué par l'idéologie.

Le frère du sculpteur du monument du Trocadéro, Corneille Theunissen (1863-1918), a lui-même modelé un buste d'Alexandre Guilmant (Salon de 1902, actuellement dans les collections du Château-Musée de Boulogne sur Mer).

Guilmant--buste-par-C.-Theunissen.jpg

Un lumineux portrait, par  lequel nous terminerons ce billet. Et vous écouterez sur YouTube le Scherzo Symphonique (opus 55). Il est joué par Clive Driskill-Smith sur l'orgue de la cathédrale Christ Church à Oxford.

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7 décembre 2011 3 07 /12 /décembre /2011 20:22

 

En visitant "La splendeur des Camondo" au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme à Paris (6 novembre 2009 – 7 mars 2010), on trouvait, vers la fin, au détour d'une galerie, une grande photo bleutée qui occupait tout un mur ; extraite de la revue Musica de janvier 1904, elle montrait la foule des notables du tout-Paris musical de l'époque, Vincent d'Indy, Massenet, Isaac de Camondo, etc. et… Charles Bordes. Le nom de ces personnes est indiqué sur la double page de la revue ; il n'y a pas de doute.

Musica--16--janv-1904--le-jury.JPG

C'est l'assemblée générale plénière du jury pour le Tournoi international Musica, le 6 novembre 2003. On apprend que Charles Bordes faisait partie du jury pour le Concours n°4 (Chant religieux avec accompagnement d'orgue). A droite sur la photo, il paraît seul dans la foule, mais visiblement heureux de contribuer à la vie de la musique.

L'exposition du Musée d'art et d'histoire du Judaïsme montrait une coïncidence intéressante. Tout près de la photo du jury du Tournoi Musica, on pouvait voir les manuscrits de mélodies qu'Isaac de Camondo, cet "impressionniste musical", avait composées : Au bord d'un ruisseau, Ile bleue, Ravissement, Roses fanées. L'auteur des poèmes ? Maurice Bouchor. Charles Bordes lui aussi partageait cette communion poétique.

Mais revenons à la revue Musica. Elle permet de mieux connaître la vie musicale au début du 20e siècle. C'est facile. Cliquez ici. Vous êtes sur le site de l'INHA (Institut National d'Histoire de l'Art). On vous propose l'intégralité de la revue, parue d'octobre 1902 à août 1914.

Ce n'est pas un périodique pour spécialiste. La revue s'adresse au mélomane éclairé. On choisit un numéro, on clique sur la couverture puis sur les flèches en haut et à droite pour feuilleter en avant ou en arrière. Dès que vous vous arrêtez sur un article, une loupe rectangulaire apparaît et vous permet de lire confortablement. On peut mettre en mémoire un article intéressant ou l'imprimer. La revue Musica est abondamment illustrée et c'est un vrai plaisir de la feuilleter.

Regardez ces publicités (pardon, réclames) venues d'ailleurs ("le passé", écrit L.P. Hartley dans The go-between, "est un autre pays").

Musica--16--reclames.JPG

On y vend des corsets, du dentifrice, des cafetières, des montres, du chocolat, des postiches ou des dents inusables et montrables. On vous propose de l'huile "infaillible", et je ne puis résister à vous inviter à lire la notice sur la "Pommade Philocome Veloutée" et les promesses qu'elle contient : "Plus de duperie ! Plus d'espoir déçu !" Comme l'homme suriné par des apaches, on ne peut que déplorer l'absurdité de la vie : "Mourir bêtement d'un coup de couteau, quand j'avais, avec les Pastilles Géraudel, de quoi vivre 50 ans encore !"

On propose des leçons de musique et on vend des mandolines, des pianos etc. Voyez la page ci-dessous ou on entend presque les notes :

Musica--15--dec-1903--pub-gramophone.JPG

La revue tient le lecteur au courant de l'actualité musicale de ce début du 20e siècle. Les compositeurs, les interprètes sont tous là. Les œuvres sont analysées en détail, même si quelquefois il y a des dérapages ; ainsi la Marche Funèbre de Chopin, bien étudiée, s'accompagne de photos de Mme Magdeleine qui se livre à "l'extase musicale" et  "sous l'influence du magnétisme, traduit la musique en gestes et en poses pathétiques" (n° 17, février 1904). Plus sérieusement on montre, photos à l'appui, les positions du pianiste (n° 1), du violoniste (n° 3), comment tenir un violoncelle et un archet (n° 11), ou tout autre instrument.

Charles Bordes apparaît quelquefois, dans des images ou des textes. Comme dans la page citée plus haut (n° 16) ou dans l'article sur le concert à Fontainebleau (n°24, septembre 1904) utilisé dans le précédent billet de ce blog. Plusieurs photos, dont la couverture de la revue, nous font revivre cette journée. On voit Charles Bordes, dans une photo rarement publiée, dirigeant les chanteurs de Saint Gervais. Son dernier article, sur les danseurs basques, paraît dans le n° 86 de novembre 1909… Nous aurons l'occasion d'en reparler.

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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 11:03

 

Les lecteurs de ce blog se demandent peut-être ce que vient faire ici cette sculpture d'Auguste Préault sur la tombe de Jacob Roblès au cimetière du Père Lachaise (dans l'ancien enclos israélite).

Preault--Le-Silence--Robles.jpg

Ce médaillon date de 1842. Préault en a réalisé plusieurs copies en bronze et en plâtre (comme celle de l'Art Institute de Chicago, présentée plus loin), et l'œuvre était bien connue. Le peintre Odilon Redon la connaissait et la parenté avec son propre Silence, peint pour la bibliothèque de l'Abbaye de Fontfroide en 1910 est évidente.

Odilon-Redon--Le-Silence--Fontfroide.jpg

En plus, Odilon Redon s'intéressait particulièrement à Auguste Préault. Dans La Gironde du 2 août 1868, il lui avait consacré un article, après sa visite du Salon, en particulier sur sa vision de la mort dans le monument consacré à Mickiewicz. L'œuvre présentée, qui se trouve actuellement à la Bibliothèque polonaise de Paris, était proche du Silence de 1842 :

Preault--Mickiewicz.jpg

la mort interrompt la parole du poète, la bouche encore entr'ouverte.

L'autre jour, en visitant Fontfroide, j'espérais que Redon avait peint le visage de Charles Bordes parmi ceux qui volent dans son tableau  La nuit. Les musiciens y sont, Schumann et Ravel et Ricardo Viñes et Déodat de Séverac, le disciple de Charles Bordes, mais je n'ai pas reconnu la tête du "pater" parmi les têtes dont l'attribution est encore floue. J'ai trop regardé cette photo du 18 septembre 1906 où Viñes, Déodat de Séverac et Bordes sont réunis.

Le silence règne dans la bibliothèque ; c'est aussi celui des moines dans le cloître, c'est celui des "feux follets" et des créateurs qui ne disent plus rien.

Comme ces mélodies, ces poèmes figés dans des livres et qui attendent des demains incertains.

Preault--Le-Silence--Art-Institute.jpg

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