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9 décembre 2023 6 09 /12 /décembre /2023 16:47

Régulièrement, après un concert de l'Orchestre Lamoureux ou Pasdeloup, on pouvait lire (à partir d'octobre 1889) dans les journaux de la Belle Époque (Art et critique et surtout L'Écho de Paris) un article de "l'Ouvreuse du Cirque d'Été". Cette "ouvreuse" était un personnage entièrement fictif.

Les articles étaient de Willy, de son vrai nom Henry Gauthier-Villars. C'est le Willy de Colette. L'ayant employée comme "nègre", c'est lui qui signait Claudine à l'école, etc. Il empochait ce que ça rapportait. Du vol. C'était Colette l'auteur. L'histoire est bien connue et ce n'est pas notre sujet. 

Willy était un grand connaisseur de la musique ; cependant, pour écrire ses articles, là aussi il utilisait des "nègres", en particulier des compositeurs ; Émile Vuillermoz, Alfred Ernst (le traducteur de Wagner), André Hallays, Claude Debussy, Vincent d’Indy, probablement Pierre de Bréville, contribuaient aux textes.
Ces articles, de 1890 à 1901, comme on sait, ont été réunis en plusieurs volumes dont les titres disent le goût de leur auteur pour le calembour.
Willy était "wagnérien" et son Ouvreuse prônait cette musique. Le dessin sur la couverture de Notes sans portées, de 1896, montre Wagner (en rouge) entre Charles Lamoureux et Edouard Colonne, dominant et entraînant la musique française. Nous en reparlons plus loin, à propos d'Émile de Saint Auban.

Les articles montrent les capacités musicales de l'auteur : ce n'est pas ce que nous retiendrons ici. Le plus souvent, Les Lettres de l'ouvreuse sont  un portrait des mélomanes de la Belle Époque. Nous retiendrons ici cet aspect "people" (comme on dirait aujourd'hui), en particulier autour de Paul Poujaud. Il est souvent présent. Paul Poujaud allait fréquemment écouter des concerts (Colonne, Lamoureux). Il apparaît dans toutes les Lettres de l'Ouvreuse, surtout dans Voyage autour de la musique et La Mouche des Croches. Il n'est pas seul. Souvent il est avec le groupe des franckistes, de la Schola Cantorum, les "d'Indystes" (La Colle aux Quintes, CQ, p. 79), de la Société
[On trouvera au début des Notes la liste des ouvrages dont le titre commun est L'Ouvreuse au Cirque d'été auxquels renvoient les abréviations ; ils sont par ordre chronologique ; le G indique qu'ils sont actuellement sur Gallica.] 
Nationale de Musique.  " Ils étaient là, tous, Chabrier, Ernst, Bordes, Le Boue, Benoît, Poujaud, Servières, Vincent d'Indy ! On eut dit un bouquet de fleurs." (VAM, p. 32) 
Voici venir Poujaud le Noir, dont l'œil jette des flammes. (VAM, p. 59) Willy le désigne par son aspect physique et son attitude  : "Combien plus séduisant Poujaud le Noir, dont je ne me lassais pas d'admirer (en tout bien, tout honneur) la barbe courte et soyeuse, les yeux étincelants ! Franckiste et ami collectif de tous les élèves formés par le grand César, un des wagnériens les plus documentés et les plus gais que l'on puisse entendre au promenoir, fleurir une discussion technique de facéties désarmantes. Jadis, c'était fête au Châtelet quand les averses de ses lazzi posaient dru sur les poses sibyllines d'Edouard (du haut d'ton trépied, hé, Colonne !) ou sur le gâtisme consterné des habitués. Bon monsieur Paul, vous avez sauvé vos amis d'eux-mêmes, car ces chers élèves ne sont point, tous les jours, incroyablement folâtres ; et votre rire clair, vos mots cinglants, vos coq-à-l'âne irrésistibles ont éclaté comme des fanfares joyeuses dans cette forêt musicale, belle, profonde, mais parfois un peu broussailleuse." (VAM, p. 46). Willy ne peut résister au jeu de mot : "Poujaud, baptisé désormais le Prince Noir (ou le Prince –sans-rire)…" (VAM, p. 70). Il le trouve "séduisant et suggestif " (VAM, p. 46 et p. 155), "svelte" (PP, p. 234) ; il est "le mélomane Poujaud" (EDA, p. 193), un  "excellent dilettante" (CQ, p.63), avec une influence sur les autres, dans la salle ou au promenoir, tous "auditeurs intelligents" (BS, p. 298) dit l'Ouvreuse, pour ne fâcher personne. Quelquefois Willy va plus loin : Poujaud est "d'ébène" (NSP, p. 180), c'est "un bel Arbi" (VAM, p. 188), "méphistophélique" (RR, pp. 54), "satanique" (RR, p. 116), "diabolique" (MC, p. 4). Paul Poujaud réagit avec passion en écoutant la musique, "les yeux étincelants"  on l'a vu (VAM, p. 46) ; quelquefois "son œil jette des flammes" (VAM, p. 59). Quand il applaudit,  ses mains sont comme de "formidables battoirs" (VAM, p. 165). Poujaud sait amplifier ce bruit : "Si vous aviez ouï les applaudissement de Poujaud ! Il s'était muni d'un chapeau-claque pour être plus à la hauteur ! Le tonnerre qu'il a fait a sonné si fort qu'on a dû l'entendre de Magny du reste." (VAM, p. 289) Dans ce cas, l'orchestre avait joué Paysage, poème symphonique de Raymond Bonheur qui habitait Magny-les-Hameaux. (Paul Poujaud a souvent un couvre-chef, comme dans le dessin humoristique de Charles Constantin (1903) où il porte un gibus.)

La musique l'emporte, "Poujaud songe" (GLA, p. 199) mais souvent la réaction est plus forte : pendant l'ouverture des Maîtres Chanteurs, "Poujaud pleurait d'enthousiasme dans le cou d'Hallays" (MC, p. 240). Il "éclate en sanglots" écoutant le Polyeucte de Dukas (EDA, p. 76).
Écoutant la Suite basque de Charles Bordes, "... les thèmes populaires se mêlent aux idées personnelles de l'auteur avec une habileté qui faisait couler des larmes heureuses sur les joues bistrées de Poujaud." (SP, p. 17) l'approbation du mélomane est décrite et en même temps l'intensité du lien entre les deux hommes. Dans son livre Solesmes et les musiciens (vol. 1), Patrick Hala parle de leur "amitié homosexuelle" (p. 332) sans y croire tout à fait. Que penser des lettres de Charles Bordes à Paul Poujaud qu'il cite, et qui se terminent par l'expression de la tendresse ? 

Les notations de Willy nous paraissent justes, convergentes, sauf une. Dans La Mouche des Croches il écrit : "…l'antisémite Poujaud, tenu en laisse par Saint Auban…" (MC, p. 32). Outre que ce ne soit pas dans son caractère  d'être " tenu en laisse", ce n'est pas lui l'antisémite mais bien Saint Auban. Que Poujaud soit en contact avec lui n'est pas étonnant. Ils se connaissent bien ; tous deux sont avocats au Barreau de Paris, presque du même âge (Saint Auban est docteur en droit en 1882, Poujaud en 1885), mélomanes, fervents de Wagner. Leur proximité s'arrête là. Saint Auban, écrit des articles, certains  musicaux, wagnériens, mais aussi des éditoriaux et des articles judiciaires pour La libre Parole, le journal de Drumont dont il partage l'idéologie.
Willy, tout en étant d'accord avec les idées de Saint Auban, qu'il admire par ailleurs, montre son ridicule en notant qu'il est "critique antisémite qui se hérisse à l'idée d'entendre jouer Mlle Pauthès, pianiste d'Israël. " (MC, p. 148). 

"O joie ! Voici venir Poujaud le Noir, dont l'œil jette des flammes…" (VAM, p. 59). 

"Monsieur Paul" a quelquefois un comportement enfantin, joyeux, prêt à plaisanter et à faire du bruit comme lorsqu'il quitte la salle de concert en tapant sur les pianos de la réserve ; ainsi se termine le Bain de sons de Willy. "Ce Ravachol d'un nouveau genre", "ouvre tous les Pleyels du magasin et les essaye à coups de poings", (BS, pp. 299 et 309). 

Willy, dans les Lettres de l'Ouvreuse, donne une existence à Paul Poujaud. Ce n'est plus une personne sans personnalité. Il prend du volume.
Willy le voit. Il nous le donne à voir.


Gardons les yeux ouverts. 

 

 

 

[ Notes.

. Lettres de l'Ouvreuse au cirque d'été :
- Voyage autour de la musique         1890        VAM       G
- Bains de Sons                                  1893        BS
- La Mouche des Croches                 1894        MC
- Rythmes et Rires                             1894         RR          G
- Soirées perdues                               1894         SP           G
- Entre deux airs                               1895         EDA 
- Notes sans portées                          1896          NSP
- Accords perdus                               1898          AP 
- La colle aux Quintes                      1899          CQ          G
- Garçon, l'audition                          1901          GLA       G

 

. Bibliographie (suite) :
- Cécile Leblanc  Ars Gallica ? Paul Poujaud, confident du renouveau musical post-wagnérien en France.  in Médiévales 39: Le Paris de Richard Wagner,  Actes du Colloque international des 8, 9, et 10 décembre 2004 à Amiens
- Patrick Hala  Solesmes et les musiciens (vol. 1),  Éditions de Solesmes, 2017
- dans ce blog : billet Vacances au Pays Basque,  2019

 

. Illustrations :
1. Couverture de Bains de Sons. Image empruntée à ebay.
2. Couverture de Notes sans Portées. Image empruntée à ebay.
3. Portrait de Paul Poujaud. Détail d'un dessin humoristique de Charles Constantin (album de caricatures sur la Schola Cantorum). Image dans un article de Jean-Marc Warszawski sur le site de musicologie.org.
4. Paul Poujaud, Mme Arthur Fontaine, Degas. Photo de Dega (1895)  empruntée à Wikipédia ; original au Metropolitan Museum of Art (Open Access).
5. Paul Poujaud et Charles Bordes. Détail de la photo du groupe de la Schola Cantorum dans l'atelier de paléographie musicale, Abbaye de Solesmes, juillet 1897. Archives de l'Abbaye de Solesmes, autorisation de Dom Hala. 
Photographie utilisée sur ce blog pour le billet : La Schola à Solesmes.

 

. Wikipédia
Enfin, une notice dédiée à Paul Poujaud vient de s'ouvrir sur Wikipédia. Elle a commencé le 5 novembre 2023. Nous la saluons. Cette page est illustrée par la photo de 1895  bien connue d'Edgar Degas, dans les collections du Met :

Les portraits de Paul Poujaud sont rares mais un détail de sa visite à Solesmes en 1897 pourrait être préféré, comme celui-ci où il est avec Charles Bordes, "les yeux étincelants" :

En s'étoffant, la notice de Wikipédia deviendra indispensable. 
à bientôt]


BC
 

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12 juin 2022 7 12 /06 /juin /2022 19:13

[Le 1er octobre 2018, j'ai repris dans un texte ce que je savais de Paul Poujaud. Ce texte a d'abord été écrit pour moi, afin de m'aider à y voir plus clair chez ce mystérieux personnage, si important pour la musique en France au tournant du 19e siècle. Il a été montré à quelques personnes. J'ai pensé qu'il pouvait être utile dans ce blog, avec les textes fondamentaux qui sont :
- la notice du Carriat (1970)
- l'Évocation par André Jorrand (vers 1990).
Le portrait de Paul Poujaud provient d'une photo montrant diverses personnes de la Schola Cantorum, autour de Dom Mocquereau, dans la bibliothèque de l'Abbaye de Solesmes, en juillet 1897. Je remercie Patrick Hala de m'avoir autorisé à m'en servir.]

 

Pendant une cinquantaine d'années, en gros de 1880 à 1930, Paul Poujaud est une personnalité incontournable de la culture française. 
Il fait partie des milieux musicaux qui comptent (César Franck, les wagnériens français, Charles Bordes, La Société Nationale de Musique, la Schola Cantorum, Ernest Chausson, Henri Duparc, Claude Debussy, Paul Dukas), mais aussi de la peinture (Paul Degas, Maurice Denis) et de la littérature (Paul Valéry).

Il y a autour de lui un mystère complet. Par exemple il jouait peut-être du violoncelle (c'est ce que dit le dictionnaire de Carriat), mais personne ne l'a jamais vu jouer : il s'enfermait chez lui ; de même pour le piano. 
Il n'a rien publié, à part sa thèse de droit (1885), quand il est devenu avocat, c'est la seule chose qui figure dans le catalogue de la BNF. 
Il a écrit beaucoup de lettres. On peut en lire quelques-unes dans la correspondance publiée de Degas, de Valéry, mais où sont ses lettres à Charles Bordes ? Avec son ami Dukas, il y a une correspondance inédite (près de 150 lettres) à l'Université de Yale aux États-Unis.
L'Évocation d'André Jorrand parle de sa brillante conversation. Avocat, il savait parler, et il était l'ornement des salons et des dîners parisiens (il habitait dans les beaux quartiers, au 13 rue de Solférino, au coin du boulevard St Germain).

Sur le plan musical, l'action de Paul Poujaud est multiple.
Mélomane, il fréquentait les milieux musicaux. Compte-tenu de sa profession, il était le conseiller juridique informel de plusieurs compositeurs : Charles Bordes, Vincent d'Indy (Poujaud vérifiait ses contrats), Paul Dukas,  et d'importantes institutions musicales comme la SNM (Société Nationale de Musique) et surtout la Schola Cantorum. 
Mais c'est principalement comme leur conseiller sur les compositions elles-mêmes que son rôle était important. Il était capable de dire ce qui était bien et ce qui n'allait pas. Son jugement était respecté. 
L'opinion de Charles Bordes sur ce sujet (lettre de fin août, début septembre 1885), indépendamment de leurs relations personnelles, dit bien la situation : "…tu me manques, toi et tes bons conseils, sévères parfois, mais toujours justes."
César Franck, en 1890, deux ans avant sa mort, en lui demandant un air creusois pour l'utiliser dans une composition (voir l'article de Gastoué) marque bien l'importance de Paul Poujaud. Il connaissait bien ceux qu'on a appelé "la bande à Franck". Il a accompagné à Bayreuth les wagnériens français (Vincent d'Indy, etc.) ; on notera le passage sur Cosima Wagner dans l'Évocation d'André Jorrand. Il est allé à Solesmes travailler sur le chant grégorien avec les élèves de la Schola Cantorum (voyage de juin 1897 ; voir la photo). Les dédicaces de nombreuses œuvres lui sont offertes. Il en faudrait dresser la liste qui montrerait sa place centrale. 

Il était très lié avec le peintre Degas qui appréciait son "admiration silencieuse". Une photographie, "mise en scène" par ce dernier, est actuellement au Metropolitan Museum de New York. Il fréquentait aussi Maurice Denis et les nabis. Il figure dans une peinture de Maurice Denis au Théâtre des Champs Élysées à Paris (La Sonate). Dans son appartement de la rue de Solférino, il y avait des tableaux encore non-déterminés sauf l'un d'eux, Soir d'Octobre de Maurice Denis, qui a été vendu en 1929 et est maintenant au Musée d'Orsay.

Faisait-il partie du cercle Marcel Proust ? C'est une possiblité mais cela doit être précisé. Il était ami avec Valéry. Celui-ci lui a dédié le poème Aurore qui ouvre Charmes (1922). Paul Poujaud était grand lecteur de poésie ; il a su communier sur Verlaine avec Charles Bordes qui a écrit plusieurs de ses mélodies sur des textes de ce poète. En 1930, Valéry lui écrivait : "Que faites-vous, cher singulier ?" Plus loin dans sa lettre, Valéry espère que Poujaud, son "cher Creusois", utilise sa retraite à Guéret pour écrire. C'est le problème. Où sont ces textes ? Il y a quelques années, les Archives départementales de la Creuse, interrogées, n'avaient pas encore classé le fonds Jorrand. Il doit y avoir là des choses intéressantes.

On aborde ici la question de la biographie et de la vie personnelle de Poujaud. Son père, Émile Poujaud, mort en 1887, était un notable de la Creuse. Il avait été sous-préfet à Boussac. En 1826, il avait acheté un domaine à Valette, hameau de Saint Fiel, qui comportait trois fermes. Pour d'obscures raisons financières (pour moi ; Paul Poujaud avait une sœur, Sophie, mentionnée dans l'Évocation ; peut-être Valette formait sa dot) ce domaine est devenu ensuite propriété des Jorrand, mais Paul Poujaud y venait régulièrement, et c'est là qu'il est mort, en 1936. Plusieurs de ses lettres à Paul Dukas y ont été écrites. Paul Poujaud, après 1929,  vivait chez les Jorrand, 38 rue du Prat à Guéret, comme le dit l'Évocation. Il avait un frère plus âgé, Léonard, lui aussi avocat à Paris (mais sa thèse ne figure pas dans le catalogue de la BNF). Je ne sais rien sur lui. Visiblement, la musique n'était pas sa passion. Paul Poujaud était riche. Était-ce une fortune personnelle ? Était-ce ce que lui rapportait son métier (on n'oublie pas les divorces bourgeois) ? 
De 1884 à 1909, Paul Poujaud était l'amant de Charles Bordes. Dom Hala parle "d'amitié homosexuelle" mais n'y croit pas (p.  332), pas plus qu'au sentiment de culpabilité de Charles Bordes. Je suis d'un avis différent, mais ce qui important, plus que toutes les étiquettes, c'est la proximité intellectuelle entre les deux hommes. Le livre de Dom Hala cite de nombreuses lettres de Charles Bordes à Paul Poujaud. Curieusement ces lettres proviennent des descendants de Vincent d'Indy. Il n'y a pas une seule lettre de Paul Poujaud (pas une). Ces lettres expriment l'amour ("mille tendresses" dit Charles Bordes) et donnent des détails sur la vie quotidienne : Charles Bordes, souvent en tournée, est gourmand et parle de la nourriture mais aussi du mal qui le fait souffrir, et rend difficile son activité musicale, dès 1884, jusqu'à sa mort en 1909 (à l'âge de 46 ans). Ces lettres parlent surtout de la musique, du travail musical ; pas seulement l'aspect administratif, ennuyeux, de l'organisation de concerts, mais le choix des thèmes, l'écriture musicale, essentielle pour le compositeur. Dans ses deux lettres à Amédée Gastoué, plus tard, en 1930, Paul Poujaud dit l'importance pour lui de ces 25 ans de sa vie. Comment ne pas songer à ce que dit Verlaine dans Dansons la gigue :
Je me souviens, je me souviens 
Des heures et des entretiens, 
Et c'est le meilleur de mes biens
.

C'est de Rimbaud que le poète parle et non de la pauvre Mathilde Mauté. En 1874 il fallait porter un masque, comme en 1890 quand Charles Bordes écrivit une mélodie sur ce poème (dédiée à Paul Poujaud).
On ne sait pas comment Paul Poujaud a vécu la Grande Guerre (il avait soixante ans en 1914) ; s'il était à Paris le 28 mars 1918, il est allé aux obsèques de son ami Debussy dans ce Paris bombardé par la Grosse Bertha. La cérémonie avait lieu à l'église St Gervais (que Paul Poujaud connaissait bien, à cause de Charles Bordes) ; le lendemain, un obus tombait sur l'église, tuant 88 personnes. 
Après la guerre, jusqu'à son départ en 1929, même si ses goûts ne le portaient pas vers "l'avant-garde" musicale, picturale ou littéraire, il a dû continuer à être un "arbitre culturel" (l'Évocation parle de Stravinsky, "à qui il exprima courtoisement ses réserves…"). Lui qui aimait tant la poésie, a-t-il lu celle de Guillaume Apollinaire ?
Il a pris une sorte de retraite en Creuse (en 1929, il avait 73 ans), mais il a dû continuer à écrire, et pas seulement des lettres. 
Mort en 1936, il est enterré au cimetière de Guéret, dans la "chapelle Jorrand", à 20 m de l'entrée. Y est aussi enterrée, Annette Philippon, la vieille servante de la famille Poujaud. Elle est morte en 1915, après 57 ans de service nous dit l'épitaphe. Elle a dû élever les enfants Poujaud, Paul en particulier, dont ces lignes ont essayé de rappeler le souvenir.


BC

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12 juin 2022 7 12 /06 /juin /2022 11:52

[Voici la notice sur Paul Poujaud dans le Carriat. Elle apparaît p. 421 du Dictionnaire bio-bibliographique des auteurs du pays creusois et des écrits le concernant des origines à nos jours (6e fascicule) par Amédée Carriat, publié par les soins de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse à Guéret, par l'Imprimerie Lecante et les Presses du Massif Central, en 1970. 
Le portrait, provient du programme pour 2014 des Journées Charles Bordes ; il est dans l'article de Damien Top, Charles Bordes et l'opéra basque (postérieur à 1920 probablement, origine inconnue). La notice du Carriat, ici facilement accessible, est la base d'une recherche sur Paul Poujaud.]

 Guéret, 27 juillet 1856 – Valette c. St Fiel, 4 octobre 1936.

Fils d'Émile P., avocat (qui, conseiller de préfecture à Guéret, puis sous-préfet de Boussac, s'employa à sauvegarder les fameuses tapisseries de la Dame à la Licorne) et, par sa mère, petit-fils du Dr Cressant, il fait ses études au collège Ste Barbe, aux côtés d'André Hallays, qui restera son ami, et où il connaît P. Bourget, de quatre ans son aîné, puis au lycée Louis-le-Grand et à la Faculté de droit, où il obtient la licence (1878), puis le doctorat avec une thèse sur le Droit de grâce dans la législation criminelle de Rome (1885). Avocat à la cour de Paris, il va s'acquérir bientôt un grand renom, mais ce n'est pas pour les causes qu'il a plaidées : féru d'art et de littérature, surtout de musique et de peinture, il se lie avec nombre d'artistes de son temps, est présent à toutes les manifestations importantes, expositions ou concerts. La sûreté de son goût et l'étendue de sa culture vont faire de lui un conseiller écouté et son influence, discrètement exercée (il eut excellé dans la critique, mais s'est toujours refusé à écrire) a été considérable entre 1890 et 1914. Passionné de musique (il est lui-même très bon violoncelliste), il a été un des premiers Français à applaudir le génie de Wagner, chez Pasdeloup d'abord, à Bayreuth ensuite ; il est aussi parmi les premiers admirateurs de César Franck, de Paul Dukas, de Pelléas et Mélisande. C'est lui qui fournit à Franck le Chant de la Creuse qui figure dans le recueil L'organiste (1889-90), avant d'être repris dans la Suite en ré (posthume, orchestration de Henry Busser) : dans une lettre à A. Gastoué, il raconte comment il parvint à se procurer ce thème : "En 1887au mois d'octobrej'entendis, sur une petite route qui monte entre Glénic et Pierre-Blanche, un chant de labour, que tous les laboureurs chantaient dans mon enfance, et que je croyais perdu…" ; et il en nota la mélodie.  Lié d'une très étroite amitié avec Dukas, il restera "son frère spirituel le plus proche" (G. Samazeuilh) ; il n'en goûte pas moins le œuvres de ses autres amis Lalo, Bordes, Fauré, V. d'Indy, Chausson, Magnard, qui ont soin de les soumettre à son jugement dès qu'elles sont achevées, voire en cours de composition. Dans le même temps, il fréquente divers peintres, dont surtout Degas, Carrière, Besnard, H. Rouart et le frère de celui-ci, Alexis, collectionneur qui a épousé une Creusoise. C'est à Degas surtout qu'il a voué admiration et amitié, souvent reçu chez lui à dîner et le recevant ; et Degas tient en la plus haute estime celui qu'il appelle son "excellent prud'homme" ou encore son "ministre des Beaux Arts" à qui il se confie et demande conseil tant sur ses affaires privées qu'en matière de peinture. Les Lettres de Degas qu'a publiées M. Guérin témoignent de cette intimité confiante de leurs rapports et de l'admiration de P., qui ira vers une croissante ferveur : "Il me tient depuis cinquante ans, écrit P. à Guérin en 1931… Mon culte pour son art et son esprit grandit tous les jours. Je vis de lui et avec lui…". On ne peut que déplorer que ce grand ami des arts et des lettres (parmi ses amis écrivains, le plus illustre assurément a été P. Valéry, qui lui a dédié le poème Aurore, placé en tête d'abord des Odes, (1920), puis de Charmes, 1922) ait dédaigné de relater ses souvenirs : on aurait là un témoignage du plus grand intérêt sur l'une des périodes les plus fécondes de la musique et de la peinture françaises. 

** "Tous les artistes, musiciens ou peintres, attachaient un vrai prix au jugement de cet homme qui n'a jamais produit, qui s'est toujours obstinément refusé à faire de la critique où il eût excellé, ne voulant être que l'Amateur, au sens le plus parfait, le plus désintéressé... Une des plus brillantes intelligences que notre temps ait connues." (Maurice Demaison)
"C'était le type du "dilettante". Causeur exquis, il racontait à merveille les souvenirs de toute une vie consacrée à l'art." (Marcel Guérin)
"Nul n'a su mieuxparler de ceux qu'il a aimés de tout son cœur vibrant, servis de toute sa compréhension clairvoyante, défendus de toute son ardeur combative, impitoyable au faux art, aux industriels de la pensée, aux arrivistes et aux profiteurs." (Gustave Samazeuilh)

ŒUVRES 
- Faculté de droit de Paris. Thèse pour la licence. P., Derenne, 1878, in-8, 82 p. (Des divers ordres de succession).
- Faculté de droit de Paris. Des diverses formes du droit de grâce dans la législation criminelle de Rome. De l'amnistie en droit français. P., Larose et Forcel, 1885, in-8, 188 p.
- Correspondance : V. Lettres de Degas, infra, 249-56.
 
REF.
- Qui êtes-vous ? I909, 396 ;
- Lettres de Degas rec. et annot. p. Marcel Guérin ; préface de D. Halévy. P., Grasset, 1931, in-16, 253 p. ; nouvelle édition, Id., 1945, in-16, 289 p., pass. ; 
- G. Samazeuilh, in Le Temps, 23 octobre 1936 ; Musiciens de mon temps; P., Ren. du Livre, 1947, P., 169 et pass.  ; 
- M. Demaison, in  Journal des Débats, 26 octobre 1936 ;
- R.Brussel, P.P. amateur d'art, in La Page musicale, 6 novembre 1936 ;
- L. Lacrocq, in M.S.S.C., XXVI, 678-9 ;
- R. Martin et P. Bertrand, Id., XXVII, 143-7 ;
- A. Gastoué in Revue de Musicologie, mai-août 1937 ;
- Échos de l'École César Franck, décembre 1937-janvier 1938, 20-1 ;
- H.-J. Lionnet, in Creusois de Paris, mars et avril 1956.

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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 22:27

Lettre écrite depuis Guéret par Paul Poujaud à Paul Dukas, le 15 août 1915 
Je viens d’avoir une grande douleur, je crois que c’est la plus grande de ma vie et je ne peux la taire à un ami tel que vous, qui êtes à la fois, chose unique, ami de tête et ami de cœur. Ce n’est pas un deuil qu’on porte ouvertement, dont on fasse part, mais il durera autant que la vie. Jeudi j’ai perdu ma vieille bonne, ma plus profonde affection. Elle était entrée chez nous quand j’avais deux ans, en 1858. Pendant cinquante-sept ans, elle a vécu de notre vie même. C’était un être exceptionnel de dévouement, d’intelligence, d’originalité. Je n’ai jamais pu lire sans penser à elle la pièce de Baudelaire : La servante au grand cœur…
Elle est morte usée par les soins donnés tout l’hiver aux soldats. La fin de ma précédente lettre pouvait vous faire prévoir une menace. Sa fin a été d’une noblesse poignante, lucide, courageuse, une fin comme je n’en avais jamais vu. Je suis abasourdi. Je suis plus décidé que jamais à rentrer à Paris à la fin de septembre. Je ne me sens aucune force pour vivre dans cette maison vide de son âme… Pardonnez-moi, mon cher ami, de vous avoir attristé, mais je ne pouvais vous cacher une souffrance si cruelle. 
Peut-être vous avais-je parlé de ma vieille Bibi qui me berçait à Boussac, dans ce vieux château que je vous ai envoyé. Ce que je sens est inexprimable et insaisissable pour tout autre que vous.
Cette lettre n’est pas une réponse à la vôtre. Dans quelques jours je vous écrirai plus librement. Votre lettre m’a fait du bien dans sa confiance – qui est la mienne. Bientôt nous en causerons.                   à vous de tout cœur

Dans le tombeau familial du cimetière de Guéret,

la vieille Bibi, de son nom Annette Philippon, est enterrée, près d’Emile Poujaud (mort en 1887) qui était sous-préfet à Boussac

où il a sauvé la tapisserie de la Dame à la Licorne)

 

 

et de Paul Poujaud, mort en 1936.

 
Son épitaphe dit qu'elle est "décédée le 12 août 1915, dans sa 76e année, après 57 ans de service dans la famille Poujaut [sic]" 
La guerre est présente dans cette lettre, par certains sentiments de désarroi exprimés à la fin. La grande maison Poujaud rue du Prat à Guéret hébergeait « une chambrée » de soldats blessés. 


Paul Poujaud écrit : Pendant cinquante-sept ans, elle a vécu de notre vie même. Il y a d'autres exemples de familles bourgeoises qui ont ainsi partagé leur vie avec leur servante, et l'ont hébergée après sa mort. Ainsi dans la famille de Charles Bordes à Vouvray, une génération avant. Les lecteurs se souviennent de cette pierre brisée qui était derrière la grille du tombeau Bordes/Bonjean. (Voir aussi la photo sur un autre billet.) 


La tombe était sans doute assez proche ; la vieille servante s'appelait Jeannette ; elle avait travaillé pour la famille nous dit la pierre,

pendant cinquante ans. Elle s'était occupée de Charles Bordes enfant, et avait écouté avec lui les romances composées par sa mère, connue comme "Marie de Vouvray", comme l'Heure des rêveries

Paul Poujaud cite le poème La servante au grand coeur.
Ce texte est paru en 1857 dans la première édition des Fleurs du mal ; c’est un poème de jeunesse, écrit vers 1843/1844. Outre le reproche que Charles Baudelaire fait à sa mère, les vers expriment très directement une tendresse simple et le sentiment de culpabilité de celui qui parle. Une analyse peut être utile. Il y en a plusieurs. Voyez celle, assez courte, proposée par Batxibac 
On peut écouter Jean-Louis Barrault dire le texte.
Alors que les poèmes de Baudelaire, ont donné lieu à de nombreuses mélodies, celui-ci, peut-être parce qu’il est très funèbre, ne se trouve que dans une seule mélodie (pour soprano), écrite par Ernest Guiraud en 1896. La partition est sur Gallica : 
il n’y a pas, actuellement, d’enregistrement disponible. 
Bien entendu, il y a aussi la très belle interprétation de Léo Ferré (1967).

 


[La lettre de Paul Poujaud provient de la Gilmore S. Music Library, Université de Yale, correspondance de Paul Dukas. Normalement les photos dans un cimetière ne sont pas permises. Pour celles prises au cimetière de Guéret, le Conservateur était près de moi. La gravure représentant le Château de Boussac est dans le Fonds Cassanea. Merci au Musée de Cluny pour la photo d'une tapisserie de "La dame à la licorne".La dernière gravure, signée L. Denis,  est sur la couverture de la mélodie d’Ernest Guiraud (source Gallica).]


BC

 

 

 

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28 août 2019 3 28 /08 /août /2019 16:37

[Le texte qui suit est d’André Jorrand. Sur cet auteur on lira la fiche Wikipédia ainsi que la notice dans Musica et Memoria. Il était apparenté à Paul Poujaud.
André Jorrand a intitulé son texte : Évocation.

Il m’a été donné par Simon-Pierre Perret.
J’ai pensé qu’il fallait le rendre public. Pour le moment, aucune datation précise n’est possible (vers 1990 ?). 

C’est un témoignage sur Paul Poujaud, ici, sur la photo, en 1900, chez les Rouart, tel que nous le montre Patrick Hala dans son  livre Solesmes et les musiciens, Vol I, (Éditions de Solesmes, 2017).

Voici un autre portrait, plus tardif (années 30 ?), provenant de l'article de Damien Top, programme des Journées Charles Bordes de 2014.

La pagination est ajoutée : [p.1], [p.2] et [p.3] ainsi que la numérotation des paragraphes [§1], [§2], etc. pour faciliter l'utilisation du texte.

Bien des choses sont à dire sur ce personnage exceptionnel. BC]

 

                                         EVOCATION

     
[p.1], [§1] J’ai connu Paul Poujaud entre 1930 et 1935 alors qu’enfant, j’allais régulièrement lui rendre visite, avec mes parents, à Guéret où il s’était retiré depuis 1929 dans la maison de sa sœur Sophie, épouse de Louis Jorrand, qui hébergeait sa fille Jeanne, son fils le docteur Paul Jorrand, sa femme et leurs trois enfants. La grande maison bourgeoise sise 38, rue du Prat, dotée d’une cuisinière et d’un chauffeur, fournissait à Paul Poujaud un cadre familial confortable et chaleureux où il était entouré d’une grande affection respectueuse.
     
       [§2]
Il passait la plupart de son temps dans sa chambre du 2e étage, pourvue d’un Pleyel droit et d’une bibliothèque. C’est là qu’il déchiffrait les partitions, lisait et rédigeait ses précieuses lettres, seul héritage qu’il nous ait laissé. Il n’en descendait que pour partager le repas familial et pour se rendre, vers 18 heures, au club qui réunissait professions libérales, avoués, avocats, notaires de Guéret, pour des causeries amicales avant l’heure du dîner. Petite anecdote d’un bien-vivre perdu !
     
       [§3]
Il est du privilège de l’enfance de savoir capter l’image exacte d’une personnalité pour pouvoir faire revivre, à l’âge des évocations et des réminiscences nostalgiques, l’originalité d’un homme hors du commun.
     
       [§4]
Je le revois, homme bien charpenté avec une barbe fournie, le regard idéaliste à l’expression bienveillante car ce grand solitaire, ombrageux de son indépendance, était un humaniste sociable, ouvert à tous ses semblables. Mes parents, bons mélomanes, étaient subjugués par le charme de sa conversation. C’était, en effet, un causeur exquis qu’on n’avait garde d’interrompre. Il suffisait d’avoir une écoute appliquée pour que l’attention fût comblée. Je l’entends encore évoquer familièrement Bayreuth : « Un jour que Cosima nous servait le thé… ». Wagnérien passionné qu’était mon père, je le sentais fasciné par ces propos ressuscitant un personnage pour lui mythique, attendant la suite d’un récit légendaire.
     
       [§5]
Comment peut-on expliquer qu’un homme aussi simple dans son aménité délicieuse et sa modestie jusqu’à l’effacement, puisse aujourd’hui réapparaître avec un prestige qu’il serait, tout le premier à ne pas comprendre alors qu’il n’eut jamais le moindre souci d’une postérité quelconque et que sa vie privée ne recèle pas une seule aventure sentimentale. « Il était marié uniquement avec la musique » me dira sa nièce. Paul Poujaud nous donne l’exemple d’un célibataire total, parfaitement équilibré dans sa condition, riche d’une vie intérieure intense, nourrie de méditations, de lectures, de musique et surtout des relations les plus justement célèbres de son époque. 
     
[p.2], [§6]  
Il a été l’ami de tous les grands artistes de la musique, de la littérature et de la peinture. Il a vécu avec eux, par la conversation et la correspondance, une expérience d’approfondissement culturel que la chaleur des relations humaines, qu’on découvre dans les lettres, rendait encore plus exceptionnelle en cette époque bénie pour la musique qui va de 1890 à 1914 et au cours de laquelle presque tous les grands créateurs se connurent et s’estimèrent en des relations qui stimulèrent et fécondèrent leur inspiration. Très éclectique devant des langages différents, Paul Poujaud fut cependant réticent devant Stravinsky à qui il exprima courtoisement ses réserves sur l’agressivité de son harmonie, ce qui lui valut une réponse percutante bien dans l’ironie de l’auteur du « Sacre » : 
     
     
 Mon cher, ma femme est laide mais je l’adore. Alors par affection   pour elle, je fais une musique qui lui correspond !

     Il est probable qu’un rire mutuel fut la conclusion de cette rapide escarmouche de salon.

    [§7] Lorsque Poujaud prit sa retraite à Guéret en 1929, l’une de ces providentielles maîtresses de maison de Paris qui savaient si bien recevoir, en les mettant à l’aise, tant d’esprits supérieurs qu’apparentait un même idéal artistique s’écria, désolée : 

       « Que vont devenir mes dîners ? »

    [§8] C’est dire le rayonnement qu’y exerçait Paul Poujaud. Mais sa valeur ne se limitait pas à un dilettantisme raffiné. Il avait en effet, en plus, une telle sagacité de jugement que plusieurs compositeurs lui confièrent leurs plus récentes partitions pour recueillir des critiques toujours plus justes et constructives et qui firent de lui un collaborateur secret très écouté, discrètement associé à l’activité créatrice de son époque dont il fut, en quelque sorte, le catalyseur. Les lettres d’Albéric Magnard et d’Ernest Chausson en particulier, en témoignent.

       [§9] Tous les dimanches, Poujaud écrivait à sa mère pour lui raconter le courant de sa semaine partagée entre ses activités d’avocat à la cour d’appel de Paris et ses sorties toujours consacrées à la musique. Mais il voyageait aussi et d’Espagne où il visite les peintures de l’Escorial il lui notifie en deux mots son émerveillement : 

       « Je jouis ! »

       [§10] Le mot est lâché pour nous apprendre son aptitude aux vrais moments de bonheur. Je me le remémore exactement, écoutant dans le salon de la rue du Prat à Guéret le trio en si bémol pour piano, violon et violoncelle de Schubert, gravé alors en 78 tours par Cortot, Thibaud et Casals. Bien calé dans son fauteuil, tenant sa barbe de la main droite en un geste familier, les yeux fermés, il concentrait son attention pour une réceptivité totale de la musique qu’il considérait comme la plus haute et la plus bénéfique création de l’homme captant un message divin.

[p.3], [§11]  Pourquoi un homme qui ne fut ni compositeur ni interprète, qui ne chercha jamais à construire la moindre postérité, qui n’a laissé ni mémoires, ni journal, ni même de simples cahiers de réflexions, a-t-il franchi le temps pour s’offrir « tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change » à la curiosité et à l’admiration fervente, plus de cinquante ans après sa mort, avec le seul bagage de son art épistolaire et des commentaires qu’il a suscités ?
     
       [§12]
Sans aucun doute, à cause d’une présence rayonnante dont nous relevons maint écho dans la correspondance d’époque et dont il gratifiait nombre de ses amis par une affection sincère et profonde qu’il prodiguait avec un charme incomparable. Mais il faut souligner aussi, comme il est dit plus haut, son esprit pénétrant qui a stimulé, par ses conseils toute une génération d’artistes. Toutefois cet ensemble si harmonieux n’aurait peut-être pas suffi à donner à Paul Poujaud cette aura qui est venue jusqu’à nous. Il faut y ajouter cette image d’un homme accompli par une manière d’hédonisme spirituel qui lui a procuré ce si rare bonheur de vivre propagé par mimétisme autour de lui. On s’en convainc par les allusions qu’on relève sous la plume de Valéry lui dédicaçant ainsi un livre :
       
« A Paul Poujaud, homme de plaisir, Paul Valéry, homme de peine. »
     

       [§13] Nul doute qu’un esprit aussi transcendant et aussi exigeant n’ait trouvé en Paul Poujaud un interlocuteur et un épistolier digne de lui. Mais on y a vu davantage : une vivante leçon de plénitude de vie enviée du poète que ses obligations quotidiennes d’écrivain ne rendaient pas heureux. Il nous dévoile ce spleen d’une quiétude contemplative et d’une organisation mentale dont il pressent le secret lorsqu’il lui écrit le 12 août 1930 :
     
       [§14]
« Que faites-vous, cher singulier (1) ? J’ai idée que vous écrivez un traité, un manuel d’oraison, une propédeutique lyrique. Au fond l’humanité a besoin d’un bon livre de vie intérieure (comme ils disent), mais fort différent de ceux qu’on fait sous ce nom. J’espère que vous y travaillez. Du moins, songez-y. »

     

[§15] Par humilité, le conseil ne fut pas suivi. Mais il reste qu'on ne peut trouver meilleur hommage à celui qui incarnait une sagesse si salutaire à son époque et dont la nôtre a, plus que jamais, besoin.

 

                                                     

 André JORRAND  

            
     

 

 

(1) le mot est significatif

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25 août 2019 7 25 /08 /août /2019 19:54

Dans une lettre à Paul Dukas du 20 septembre 1929, écrite depuis Guéret, Paul Poujaud évoque des vacances avec Charles Bordes passées au Pays Basque, dans les années 1890. (Paul Poujaud dit « il y a quarante ans ».) Charles Bordes apparaît fugitivement dans la correspondance de Paul Poujaud, souvent par des allusions douloureuses. Peu importe la nature réelle de la relation entre les deux hommes. Patrick Hala, dans son livre Solesmes et les musiciens, Vol. I (Editions de Solesmes, 2017) parle « d’amitié homosexuelle » (p. 332) mais n’y croit pas. Ailleurs, cependant (p. 50), il analyse dans un paragraphe très people, mais très cultivé, si les deux attitudes sont possibles, l’aspect ambigu de l’affectivité de Charles Bordes. Personnellement, je pense que leur liaison était une liaison. Pour ses étrennes de 1886, qu’offre Charles Bordes à Paul Poujaud ? 38 pages de mélodies recopiées et dédicacées (vente Brissonneau à Drouot, 4 novembre 2009). Ce sont des partitions. La musique est le lien entre les deux hommes. Dans une lettre de fin août/début septembre 1885, Charles Bordes écrit à Paul Poujaud : « tu me manques, toi et tes bons conseils, sévères parfois, mais toujours justes […] crois bien que tu me manques, j’aime tant à te montrer tout ce que je fais. » (Hala, p. 52) Comme dans Dansons la gigue (mélodie que Charles Bordes dédie à Paul Poujaud, 1890), quand Verlaine dit :
Je me souviens, je me souviens 
Des heures et des entretiens, 
Et c'est le meilleur de mes biens
.
Ce n’est pas, malgré la bienséance et les conventions, à Mathilde Mauté, sa femme, qu’il pense, c’est à son amant Rimbaud.

Ici, dans cette lettre, Paul Poujaud parle de ces vacances, du cadre d’abord,

vu dans cette carte d’état-major de 1866, rehaussée d’aquarelle, que nous offre l’IGN. Il décrit longuement « le charmant petit port » de St Jean de Luz et ses environs, Ciboure en particulier, « pays du grand Ravel » (il y est né en 1875 et aujourd’hui le quai porte son nom). Charles Bordes a séjourné plusieurs fois au même endroit, à Bordagain, avec Paul Poujaud, comme en août 1901 (Hala, p.302). Poujaud parle du « cascarot », utilisant le mot basque kaskarot, désignant un quartier habité par d’humbles personnes, descendants des Morisques expulsés d’Espagne au XVe siècle et probablement à l’origine du fandango (les musiciens y étaient sensibles). Avec Charles Bordes il avait loué « un petit chalet de pécheur », « sur la falaise de Bordagain ». Dans le quotidien, il parle de la nourriture : « la mère du pécheur Iturritza nous préparait des piperades savoureuses ». Nous savons la gourmandise de Charles Bordes dont attestent plusieurs lettres citées par Patrick Hala (pp. 261, 263, 293, 314 etc.). Le mot cascarot désigne aussi les humains, tant aimés de Poujaud et Bordes. Il y a la famille Iturritza, la « petite Jeannette » aux « doigts purs », et Jean le pécheur. Son nom évoque le personnage dans Les Trois Vagues ; Paul Poujaud est sensible à son physique, il apprécie « le beau Jean ». Le même attrait, Charles Bordes le voit en décrivant les garçons qui dansent à Tardets dans son dernier article, publié dans Musica (n° 86, novembre 1909) : «la grâce exquise de ce cercle de jeunes gens, beaux pour la plupart et souples comme des chats ».

Paul Poujaud parle de « la vue merveilleuse ». Depuis Bordagain, la vue est étendue sur le Pays Basque. La montagne à l’Est, vers La Rhune (Arrun en basque), la mer à l’Ouest, devant, avec le rivage, la Côte des Basques et les vagues. Plus tard, pendant la 2e Guerre mondiale, les Allemands y placeront un poste d’observation, élément vital de leur mur de l’Atlantique. Poujaud allait « quand la mer était douce » avec Jean « pécher la sardine, au soleil levant ». On retrouve cette vision, exprimée par Jean, dans le manuscrit des Trois Vagues, sous la plume de Charles Bordes, le 5 septembre 1899 : 

La mer est bien présente. A Bordagain, la vieille église, c’est ND de la Mer : 

Elle n’est pas toujours « douce ». Ses vagues peuvent être terribles et sont bien connues :

 Aujourd’hui les surfers du monde entier viennent s’affronter avec la vague Belharra qui peut atteindre jusqu’à 20 m de hauteur.

Bien visible depuis la corniche, elle se forme sur un haut-fond rocheux, Belharra-Perdun,  au large de la baie de Saint Jean de Luz. Mais voyez cette vidéo, vous l’avez mérité ! 
D’autres vagues gigantesques peuvent apparaître : on les appelle « vagues scélérates » (« rogue waves » en anglais). Trois vagues peuvent se succéder (surnommées « les trois sœurs ») ; sur ce sujet, on lira sur le site de l’Ifremer le compte-rendu d’un incident de 1963. 
De telles vagues ne pouvaient qu’engendrer des légendes. Dès 1889, l’idée vint à Charles Bordes d’écrire une œuvre sur le thème. L’opéra Les Trois Vagues naissait.

 En 1889, c’était sa première mission ethno-musicologique au Pays Basque. En 1890, c’était la deuxième mission de collectage. Inspirés par cet univers, il y avait la Suite Basque (1887), l’ouverture pour le drame basque Errege Jan (Le Roi Jean) en 1888, puis la Rapsodie Basque (1889). Et aussi, en toile de fond, la chanson entendue dans l’extase en 1885, Choriñoak kaiolan, à Paris d’abord puis dans les montagnes basques (elle figurera dans le livre de Charles Bordes Douze chansons amoureuses du Pays Basque français, publié après sa mort, en 1910). En 1891, Charles Bordes écrivait Euskal Herria, musique de fête pour accompagner une partie de paume.

A l’issue de cet été solaire de Bordagain, Vincent d’Indy, aristocrate latin, parle des « basquaiseries » de Charles Bordes (lettre à Paul Poujaud du 27 septembre 1889). Patrick Hala, très aimable, cite cette lettre (p. 68) et n’y voit qu’une « malice toute fraternelle ». Je pense différemment ; Vincent d’Indy marque sa suffisance et son mépris pour les Basques et pour Charles Bordes, alors au milieu de sa mission de collectage, imprégné par la culture basque, et commençant cet opéra qu’il n’a pas pu mener à terme, à mon avis freiné par une puissante inhibition. Un incident, bien connu, de janvier 1890 montre « ce gros animal de Bordes », comme dit d’Indy, oubliant à l’hôtel une partition du Maître. Ce n’était pas simplement causé par la « distraction » mais un acte manqué lié à une perturbation profonde. Vincent d’Indy ajoute dans sa lettre à Poujaud, toujours à propos de Charles Bordes : « Lui qui n’a que ça à faire et à penser » (Hala, p. 69). 

Charles Bordes revient, l’été, à Ciboure, et reprend le travail sur son opéra, quelquefois sous le regard de Paul Poujaud, quelquefois seul, mais il lui rend compte : « Oh que la maison paraît vide depuis que tu es parti […] Hier, je regrettais presque de n’être pas allé m’installer ailleurs quelque part pour rompre la chose ; maintenant je m’y fais un peu depuis que je me suis mis d’arrache-pied au travail. J’ai déjà assez avancé une scène fantastique mais je ne veux pas m’emballer et la faire d’un seul coup pour la bien penser. » (Lettre de fin septembre 1894, citée page 127 par P. Hala qui signale que le bas de la lettre a été amputé.) Le 24 septembre 1894, Charles Bordes écrit à Paul Dukas (Hala, pp. 125-6) :  « Je voulais vous écrire depuis longtemps, mais j’étais en pleines vagues et je n’ai pu toucher la rive pour cela. J’ai beaucoup travaillé, sinon bien travaillé. Poujaud était très content de moi. » Dukas pensait que l’opéra aurait pu être un chef-d’œuvre. Il écrit dans La Revue musicale (1er août 1924, p. 102) « …j'ai conservé de ces fiévreuses lectures l'impression la plus forte. Et, très nettement, chaque fois que j'écoutais le second acte des 'Trois vagues', j'eus la sensation que pour le tour nerveux et l'accent incisif, nous aurions là l'unique œuvre française que l'on peut mettre en regard de 'Carmen'. »

Longtemps après la mort de Charles Bordes, en décembre 1923, un comité sur l’opéra inachevé (dont Paul Dukas faisait partie) conclut « qu’il semble impossible d’en confier l’achèvement à une main étrangère, sans risquer d’en compromettre la portée et le caractère. » L’œuvre reste le reflet de ces vacances au Pays Basque, dans les années 1880 et 1890. Gustave Samazeuilh avait écouté une audition de l’opéra au piano. Il en dit le souvenir (La Revue Musicale, 1er août 1924, p. 108) : « Je vois encore celle qu’il voulut bien me donner, dans une maison du côteau de Bordagain, voisine de la ferme qui vit naître la majeure partie des ‘Trois Vagues’. C’était à la fin d’une de ces miraculeuses journées de septembre où la lumière incomparable que vous savez répand sur la ligne dentelée des montagnes et l’immensité glauque de la mer sa griserie chantante. Bordes était heureux de se sentir revivre dans ce pays qu’il aimait, dont il avait profondément senti le caractère si particulier, et que l’envahissement balnéaire n’avait pas encore défiguré. Il avait joué, chanté, mimé, improvisé parfois, ces trois actes avec un enthousiasme si spontané, une force d’expression si communicative, que la nuit trouva encore ses auditeurs réunis autour de lui, au piano.» On sent la mélancolie devant ce qui n’a pu devenir l’œuvre achevée.

Ces vacances révolues disent la tentation du néant ; voyez comme l’opéra l’exprime, par la voix de Maiten : 

Dans cette lettre de 1929 (à Paul Dukas, ne l’oublions pas), Paul Poujaud conclut, mélancolique : « Tout cela le temps l’a fermé avec beaucoup d’autres choses délicieuses, qui ne reviendront plus, ni pour moi, ni pour personne. » 


 

[Pour clore ce billet, quelques indications. Les cartes postales anciennes (illustrations 4 et 5) proviennent de collections privées. La carte d’Etat major (illustration 2), du Géoportail. La photo de la vague Belharra (illustration 6) du site « Saint Jean de Luz, Terre et côte basques ». Les extraits de la partition des Trois Vagues  proviennent de Gallica ; le manuscrit se trouve à la Bibliothèque de l’Opéra de Paris. La chanson Choriñoak kaiolan est interprétée par Anton Vallverde. Les illustrations du début et celle de la fin proviennent de la lettre de Paul Poujaud dont parle ce billet ; sa correspondance avec Paul Dukas se trouve à la Irving S. Gilmore Music Library de l’Université de Yale, aux Etats-Unis. J’utilise de nombreux extraits du livre de dom Hala ; les lettres de Charles Bordes à Paul Poujaud, nombreuses et longuement citées, sont une aide précieuse. Patrick Hala donne son interprétation. La mienne est quelquefois différente ; j’en assume la responsabilité.]

 

BC


 

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15 septembre 2018 6 15 /09 /septembre /2018 10:50

L’article d’Amédée Gastoué : César Franck et Paul Poujaud à propos d'un thème de folklore, le Chant de la Creuse paru dans la Revue de Musicologie, Tome 18, n°62, 1937, (pp. 33-38),  étudie ce Chant de la Creuse inclus dans les œuvres posthumes de César Franck (dans L'organiste, pièces posthumes pour harmonium ou orgue à pédale pour l'office ordinaire.) On peut écouter la pièce pour orgue, très brève, ici dans une interprétation de Pierre Astor sur l'orgue ancien de Firminy, ou , jouée par Johannes Schröder à Rothenbach. C'est lent et poignant ; si un air folklorique est à l'origine, César Franck l'a considérablement modifié, par exemple en écrivant sa pièce en ré mineur.

 

L’article est accompagné de deux lettres de Paul Poujaud. Dans la première (datée du 28 octobre 1930) il évoque les circonstances où il a entendu cet air. C’était en octobre 1887 sur "la petite route qui monte" entre Glévic (c’est ce qu’écrit la Revue de Musicologie, avec un v) et Pierre Blanche. Il faut comprendre Glénic (avec un n, prononcer /gleni/ ) ; les lieux sont sur la carte topographique (voir sur Géoportail).

Un laboureur, tout en guidant le bœuf, chantait un air que Paul Poujaud trouvait très beau. Il le nota soigneusement. Ce sont ces notes qu’il envoya à César Franck. Au bout du sillon, il parla au laboureur, "un beau gars, bronzé comme un pâtre albin. (…) Il tenait la chanson de son grand-père, qui la chantait toujours en labourant. Elle n'avait pas de paroles." Poujaud (né en 1856) avait entendu la chanson dans son enfance. Il en donna quelques vers en "patois" de la Marche creusoise et proposa la traduction en français.

Dans sa deuxième lettre (du16 novembre 1930) Paul Poujaud explique que Charles Bordes est venu dans la Creuse, "deux ans après la mort de Franck…" (c’est-à-dire en 1892) et a "…cherché d'autres chants marchois. Mais il ne put recueillir que des noëls, des marches, des pastourelles sans grand caractère."  Il les a notés, comme il avait fait au Pays Basque (missions en 1889 et 1890).

On peut supposer que Paul Poujaud l’a conduit à Valette dans la commune de St Fiel (où il est mort en 1936). A Valette il y avait trois fermes qui avaient été achetées par le père de Paul Poujaud, Emile Poujaud, en 1826. Pour des raisons obscures de dot et d’héritage, le lieu appartenait à la famille Jorrand, mais Paul Poujaud avait la jouissance de la "Maison Jorrand". Ses lettres à Dukas (actuellement à Yale University) sont envoyées de Guéret (où Paul Poujaud vivait chez les Jorrand, 38 rue du Prat) et quelquefois de Valette. Le lieu était idéal pour le type d’enquête ethno-musicologique que menait Charles Bordes.

Forcément, Paul Poujaud a emmené son ami de l’autre côté de la rivière Creuse, là où il avait entendu un laboureur chanter ce Chant de la Creuse qui a inspiré César Franck. Le village de Glénic est sur une colline qui domine la rivière. Forcément Paul Poujaud y a conduit son ami.


Sur la place du village, il y a une petite église remarquable, fortifiée aux 14e et 15e siècles. Charles Bordes n'y a pas vu les fresques du 15e siècle, révélées en 1973, notamment celle d'Adam et Eve. Elle aurait parlé à ce pécheur, ce chrétien tourmenté. N'écrit-il pas à Guy Ropartz (voir dans ce blog le billet du 8 décembre 2013), en mars 1897 : " Vraiment le Bon Dieu n'est pas toujours très juste. On ne peut être parfaitement heureux, il faut toujours payer son tribut. Pour ma part j'en sais quelque chose car j'ai des moments de tristesse profonde. Ça a l'air de marcher comme ça, mais l'avenir peut être gros de nuages."
Il a pu contempler cette vision de l’univers sur la voûte de l’église.


Un peu plus de dix ans plus tard, en 1905, Charles Bordes est passé brièvement en Creuse, à Guéret, pour une audition des Chanteurs de Saint Gervais. (Voir Bernard Molla, tome 1, chapitre V : Voyages de propagande, p. 216 et p.219.)
Mais la vraie communion avec la Creuse, c'est en 1892. 


Paul Poujaud dit que les notes prises en Creuse par Charles Bordes sont avec ses notes sur la musique du Pays Basque. En 1931, il ne sait pas où sont ces notes.
Où sont-elles aujourd’hui ?

 

 

[La couverture de Musica, avril 1903, montre César Franck à l'orgue de Ste Clotilde, d'après le tableau de Jeanne Rongier (1885). Voir dans ce blog le billet Franckistes… du 15 novembre 2012.]

 

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