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23 août 2011 2 23 /08 /août /2011 17:11

La-Bellangerie--4535.JPG

Les lecteurs de la Nouvelle République ont vu, jeudi dernier, l'article "Charles Bordes et la Bellangerie" dans la série "un homme, un lieu", toujours intéressante. Son nom avait déjà été cité par la NR dans un article sur Chabrier dans la même rubrique. Les faits principaux sont donnés avec justesse. Un seul bémol : l'auteur de l'article doit s'arracher les cheveux en lisant que la Schola a fait revivre "la musique palestinienne". Mais nos lecteurs (peut-être ceux de la Nounou…) auront rectifié : on parlait de Palestrina et de musique palestrinienne. Une seule lettre peut tout changer !

Le portrait imprimé dans la NR, c'est celui que nous vous avions présenté ici

en commençant le blog, au mois de février. L'article parle comme il convient, de l'Académie Francis Poulenc qui se déroule à Tours en ce moment, et donne une place à Charles Bordes le Tourangeau.

Le tombeau Bonjean-Bordes au cimetière de Vouvray  montre bien l'attachement fort de la famille avec le domaine de la Bellangerie.

Le grand-père maternel de Charles Bordes, Jean Lambert Bonjean,

tombe--gd-pere-mat--2806-JPG

était un "ancien manufacturier", mais surtout un "propriétaire agriculteur", mort "en sa terre de la Bellangerie" en novembre 1851 (12 ans avant la naissance de Charles Bordes).

Parmi ses prédécesseurs au Château de la Bellangerie, il y avait eu Beaumarchais, autour des années 1770, et plus tard, depuis novembre 1811, Pierre-Hippolyte Le Tissier, Maire de Vouvray sous la Restauration, du 14 décembre 1821 au 1er août 1821 (puis député d'Indre-et-Loire depuis novembre 1820 jusqu'en juillet 1830). Sa femme, Bénigne-Esther-Marie Guizol (1786-1859) était amie de Lamartine  (voisin à Paris) mais désapprouvait son évolution politique. On dirait aujourd'hui qu'elle le trouvait trop à gauche, préférant le drapeau bleu-blanc-rouge au drapeau blanc semé de fleurs de lys des légitimistes. On trouvera ces informations sur Madame Le Tissier en lisant l'article passionnant de Fernand Letessier (ne pas confondre) écrit en 1981 dans les Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest.

Balzac fréquentait la Caillerie, 500 m plus bas, chez M. de Savary. Il y a même effectué son seul séjour attesté à Vouvray, 3 semaines pendant l'été 1823. Mais il s'évertuait à écrire de la poésie, pour quoi il n'était pas fait, et rêvait à Mme de Berny qui avait vingt ans de plus que lui. Plus tard, il séjournera avec elle à la Grenadière à Saint-Cyr-sur-Loire. En 1823, il ne montrait aucun intérêt pour Esther-Athénaïs-Fortunée Le Tissier, âgée de 14 ans, qui poursuivait sa rêverie romantique dans les nuages au-dessus de la Bellangerie. Plus tard encore, Balzac écrira L'Illustre Gaudissart (1833), qui se passe dans le haut de la Vallée Coquette. Voyez le relevé pour la carte d'Etat Major, passé à l'aquarelle, qui montre le secteur vers 1860 (source, le Géoportail de l'IGN, sur Internet) :

La-Bellangerie--carte-EM--bb-.JPG

La Bellangerie n'existe plus. Dans son livre Deux cents châteaux et gentilhommières d'Indre-et-Loire, le Baron Karl Reille l'a dessinée comme elle était encore en 1930.

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Le bail de ferme du 2 octobre 1823, signé par M. Le Tissier, nous apprend l'existence d'une glacière dont l'usage est expressément réservé aux habitants du château, "les preneurs fourniront pendant le cours de ce bail la paille nécessaire pour entretenir la couverture de la glacière." Cette glacière est sans doute aujourd'hui comblée, mais pourra réserver des surprises aux archéologues du futur.

Très pieuse, la mère de Charles Bordes, Marie Bonjean, allait selon la tradition dans une chapelle troglodytique à la Roche, au Nord-Ouest, sur la commune de Rochecorbon. Une chapelle se trouvait bien dans le château, transformée en bergerie après les Bordes. Denis Jeanson dans son livre Sites et monuments du Val de Loire, tome 1 (1977) le signale et aussi l'existence d'une cloche avec inscription du 17e siècle. Sa localisation actuelle reste inconnue.

Le père de Charles Bordes, Frédéric Bordes, était maire de Vouvray sous le Second Empire. Comme maire, il était informé de la progression du phylloxéra en France, le Val de Loire n'était pas encore atteint et donc sa propriété était indemne. On peut imaginer son inquiétude. Il est mort en 1875. Le Vouvrillon a été touché ensuite. Quand Madame Bordes a vendu la Bellangerie en 1879, sa valeur avait beaucoup diminué. Une des conséquences des difficultés financières de la famille fut le temps que passa Charles Bordes comme comptable à la Caisse des Dépôts et Consignations. Dans une lettre (transcrite par Bernard Molla) écrite vers 1884 à son ami Jules Chappée il parle de "cette rosse de caisse où je gagne 50 fr par mois, enfin c'est toujours 50 fr." Il ajoute "…Je n'ai pour toute sublimité que le bureau dans lequel je suis accroupi de 10 heures à 4 heures à la caisse de dépôt et réception, 1er bureau vieillesse, et la divine musique passe après."

Depuis 1964, l'ADAPEI est propriétaire du site. Il y a quelques années, une activité pour les handicapés avait pour nom "Bel ange rit" ; la musique en était la base, dans ce lieu où Charles Bordes, musicien, est né. Denis Jeanson, cité plus haut, est très sévère pour l'évolution du château : "Le nom de bergerie traduit fort bien la manière dont fut traitée la maison, tant par les fermiers qui en devinrent propriétaires après les Bordes que par l'Association des Papillons Blancs qui joue au jeu de massacre avec le tout au nom sacro-saint de la rentabilité et des crédits."  

De la Bellangerie ancienne, il reste les piliers de l'entrée,

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et la grille d'entrée  au Sud (sur la carte d'EM, sous le 1er a de "La Malourie").

IMG_2273.JPG

Des arbres indiquent toujours l'allée orientée Sud-Nord, qui menait de la grille au château, bien visible sur Google map :

La-Bellangerie--Google-map--23-juillet-2011.JPG

Dès le bas de la Vallée Coquette

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on est dirigé par des panneaux vers l'entrée officielle.

Pour voir la vieille grille, tant qu'elle est encore là, il faut aller à La Malourie. Cette grille a été dessinée en 1974 par Georges Pons dans le livre d'André Montoux, Vieux logis de Touraine (1ère série), chez C.L.D., où un chapitre parle de la Bellangerie. Le pavillon du gardien, situé à droite, est en train de s'écrouler. Seul le lierre l'empêche de tomber. Il est évoqué à la fin du roman Transports, paru en 2002.

La Bellangerie, 3093

La photo a été utilisée sur la couverture du livre Les mots sous la musique, Charles Bordes et ses poètes, produit par la Bibliothèque Municipale de Vouvray.

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